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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 13:49

L04.jpgLe château de Cassandra

Dodie Smith

éditions Gallimard Jeunesse

1949

 

Oui oui vous avez bien lu la première date de parution : il s'agit du premier livre de Dodie Smith, plus connue pour son ouvrage suivant, Les 101 dalmatiens, et qui propose ici un texte plutôt déconcertant.

Le château de Cassandra c'est l'histoire de Cassandra, une jeune fille anglaise de dix-sept ans dont la famille est pour le moins excentrique. Son père, auteur d'un seul roman, semble avoir perdu l'inspiration depuis qu'il est allé en prison pour avoir frappé sa femme avec un rouleau à pâtisserie. La belle-mère, Topaze, épousée lors "d'un des accès de sociabilité" du père pose comme modèle à Londres et communie avec la nature en se promenant nue dans la campagne environnante. Rose, l'aînée des filles, ne rêve que d'un riche mariage qui la ferait sortir de la pauvreté et de la monotonie de leurs existences. A l'inverse, le petit frère Thomas, étudiant paisible, ne semble se préoccuper que de pouvoir poursuivre ses cours. Cassandra, elle, écrit son journal intime les pieds dans l'évier den la cuisine et rêve d'un destin semblable à celui des héroïnes de Jane Austen ou des soeurs Bronté. Tout ce beau monde vit dans un château délabré, sans meubles, sans électricité et sans le sou, le seul qui subvient aux besoins de la famille étant le serviteur Stephen, un beau garçon à "l'air un peu idiot", amoureux transi de Cassandra. Tout change le jour où s'installent dans le manoir voisin deux beaux et riches frères américains...
Cela aurait pu être le pitch d'un roman de Jane Austen et cela commençait comme tel : deux soeurs pauvres, deux frères riches, un château romantique, une narratrice romanesque... et en fait, cela n'est pas du tout ça : Le château de Cassandra est beaucoup plus cynique et beaucoup plus réaliste. Si l'héroïne s'appelle Cassandra, comme la soeur de Jane Austen et tout comme elle restée vieille fille, ce n'est pas pour rien : c'est pour rappeler que dans la réalité, tout ne finit pas bien, que l'amour n'est pas forcément réciproque et que tous les mots n'y changeront rien. Cassandra a beau être une narratrice extraordinaire, elle ne parvient pas pour autant à faire de sa vie un roman anglais du XIXe siècle et à tout arranger par des mariages et des fins heureuses. Sa vision romanesque et ses idéaux se heurtent en effet à la frivolité de sa soeur, à un quotidien trivial et à ses propres sentiments. Ainsi, la narration prend un tour inattendu dès la moitié du roman et, malgré la légèreté de l'écriture, se teinte d'une certaine mélancolie. Cassandra prend l'allure d'un petit clown triste, dépassée par des événements et des situations qu'elle ne maîtrise pas. Le château de Cassandra réussit donc l'exploit d'être à la fois drôle et tragique et de mettre en scène des personnages plus complexes qu'il n'y paraît, que ce soit le gentil Stephen ou l'énigmatique Neil. Classé en jeunesse et destiné à un lectorat d'adolescentes, le livre est paradoxalement délicat à conseiller. Nonobstant certaines longueurs, quels parents auraient envie d'acheter à leurs enfants un roman qui leur apprend que la vie n'est pas un conte de fées ?

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