L'homme qui tua Lucky Luke
Matthieu Bonhomme
éditions Lucky Comics
2016
Tout comme Gaston Lagaffe, Astérix et Boule et Bill, Lucky Luke est l'une des BD qui ont bercé mon enfance. C'est qu'il me plaisait bien ce héros solitaire flanqué de son fidèle Jolly Jumper et poursuivant sans relâche les Dalton. Mais même les héros doivent mourir : je déteste cette manie de continuer des séries après la mort de leur(s) créateur(s) et j'aurais préféré que Lucky Luke soit enterré en même temps que son scénariste Morris. Ainsi, depuis des années, la série se poursuit, médiocre (doit-on vraiment parler de Laurent Gerra ? ) et ayant à mon sens perdu toute son âme.
L'homme qui tua Lucky Luke est intéressant en ce sens que la BD ne se présente pas comme la continuité de la série mais plutôt comme un hommage. De fait, le scénario et le dessin sont faits par la même personne, Matthieu Bonhomme, ce qui change un peu des BD à deux voire trois auteurs. L'auteur ne se soucie pas non plus de respecter le dessin "standard" : son Lucky Luke est bien plus anguleux, plus élancé que l'original, les planches sont très réalistes et les couleurs moins flashy que dans mon souvenir. L'histoire est bien plus sombre puisqu'elle démarre sur la vision de Lucky Luke étendu au sol, mort, avant de revenir en arrière pour nous expliquer le pourquoi du comment. De toute évidence, Matthieu Bonhomme connaît parfaitement l'univers de Lucky Luke et, du coup, multiplie les clins d'oeil : ainsi, dans son album, Lucky Luke manque de tabac et se demande à sa grande horreur s'il ne va pas être obligé de fumer de la paille, allusion à l'évolution du personnage de Morris obligé de passer de la cigarette au brin de paille sous la pression de la censure. Bonhomme fait également le choix de ne pas faire "parler" Jolly Jumper (sa BD s'inscrit dans une mouvance plus réaliste) mais il parvient cependant à rendre le caractère du cheval par quelques planches significatives. En bref, ce n'est pas vraiment du Lucky Luke mais ça en garde plutôt bien l'esprit tout en laissant suffisamment de marge à l'auteur pour apporter sa touche personnelle. Et ça, à mon avis, c'est la meilleure façon de ressusciter une légende.