L’art du haïku
Vincent Brochard/ Pascale Senk
Si comme moi vous êtes allergiques à la pompe de Ronsard ou aux larmoiements de Verlaine, vous serez en revanche peut-être séduits par le haïku, une forme de poésie japonaise.
Qu’est-ce qu’un haïku ? C’est ce que les auteurs de L’art du haïku vont tenter de nous expliquer dans cet essai clair, concis et illustré d’exemples. Poésie en trois vers chez nous (au Japon, le haïku s’écrit sur une seule ligne) le haïku « traditionnel » (car évidemment, il existe des variantes et des écoles pour un haïku débarrassé de toutes contraintes) se compose de dix-sept syllabes, répartis ainsi : 5/7/5. Il doit comporter un mot-saison (coucou pour l’été par exemple, les feuilles mortes pour l’automne, etc.) et retranscrire une expérience directe du monde, un instant présent dont l’auteur essaie au mieux de figer le caractère éphémère. Je vais essayer de mieux me faire comprendre : vous vous promenez dans votre jardin, c’est le printemps (pour une fois il fait beau) et vous voyez perché sur un muret un oiseau. C’est tout. C’est juste une image, un peu kitch me direz-vous, mais c’est un instant qui vous paraît unique (qui l’est d’ailleurs) et qui ne reviendra pas. N’avez-vous pas envie de l’immortaliser, de faire en sorte que ce moment ne meurt jamais ? Tel est, d’après ce que j’ai compris, le but premier du haïku. A l’inverse de nos poèmes occidentaux, notamment les romantiques, le haïku ne met pas en valeur son auteur. Ce dernier, loin de l’exaltation du moi et de ses sentiments doit au contraire s’effacer derrière son sujet. C’est la nature qui est célébrée mais, de façon plus générale, un quotidien que nous avons depuis longtemps désappris à regarder. Il s’agit d’ouvrir les yeux et de voir, tout simplement. Le haïku prône aussi la simplicité : pas de langage fleuri, pas de surenchères, pas d’adjectifs superflus. Plus c’est simple et spontané, mieux c’est.
L’art du haïku ne satisfera sans doute pas les amateurs de haïkus, les vrais purs et durs qui ne trouveront rien dans cet ouvrage qu’ils ne savaient déjà (je m’excuse d’ailleurs par avance auprès de ces derniers si cet article leur paraît incomplet ou erroné) Pour les néophytes en revanche, c’est une excellente initiation. Personnellement, je ne connaissais jusque là du haïku que le principe de la forme brève et d’une idée directrice ainsi qu’une vague notion de la structure. J’ai donc apprécié les éclairages historiques, les éléments de biographies de trois auteurs réputés : Bashô, Issa et Shiki et surtout la courte anthologie de haïkus. Cette forme de poésie a ceci de réconfortant qu’elle est tout de suite évocatrice et parle directement à notre cœur et notre imaginaire. Qui plus est, comme se plaisent à souligner les auteurs, le haïku suscite en nous l’envie d’en écrire de par sa trompeuse simplicité. Tiens ! pense le lecteur émerveillé, ça m’a pas l’air trop difficile, si j’essayais de faire de même ? (bon pour avoir essayé au cours de ma lecture, je confirme que ce n’est pas si simple)
Philosophie de l’instant, éloge de la simplicité et célébration de la nature. Tout un art de vivre en somme ! Je n’adhère pas aux doctrines zens et je ne vais pas aller me réfugier au fond des bois pour écrire des haïkus et fuir le monde de la ville (encore que bon nombre de haïkus jouent justement sur le monde urbain) Mais j’apprécie ce style oriental teinté de mélancolie ou au contraire plein d’un discret humour qui nous rappelle seulement de faire ce que nous oublions souvent : regarder autour de nous.