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21 juin 2009 7 21 /06 /juin /2009 10:23

Le convoi de l’eau

Akira Yoshimura

Editions Actes Sud

 

 

Japon. Un homme au lourd passé qui est resté de nombreuses années en prison pour le meurtre de sa femme, cherche la paix dans le travail d’ouvrier de chantier. Dans ce but, il s’engage dans une équipe chargée de construire un barrage en haute montagne. Cette équipe a aussi un autre objectif : persuader les habitants d’un hameau perdu au fin fond de la vallée, hameau dont il y a encore quelques années personne ne connaissait l’existence, de renoncer à leur vie, de quitter leurs habitations et de laisser leur village se faire engloutir par les eaux. Très vite, un lien étrange va s’établir entre ces mystérieux autochtones condamnés à l’exil et les ouvriers du chantier, notamment avec le narrateur qui, grâce aux habitants du village,  parviendra enfin à retrouver la sérénité…

Récit bref, avec une absence quasi-totale de dialogues, Le convoi de l’eau est un livre étrange, typiquement japonais si j’ose dire, avec des descriptions qui, bien que concises n’en sont pas moins extrêmement parlantes. C’est étonnant la façon dont l’auteur en peu de mots parvient à restituer des images ou d’une grande violence, ou d’une grande beauté. Il lui suffit de peu de choses : la tache blanche que fait la robe d’une jeune fille du village, pendue à un arbre pour avoir été violée par l’un des ouvriers du chantier, la pluie qui tombe sur les tentes des ouvriers, le sons des mousses des toits qui s’écroulent… Tout est rendu avec une grande justesse et donne au roman un aspect fantastique et très déroutant. Les habitants du village deviennent des sortes de créatures oniriques, agissant selon des desseins qui sont connus d’eux seul et cet aspect est renforcé par le fait qu’aucun d’entre eux ne parle durant tout le récit. Un peu troublé, le lecteur avance à tâtons dans cet univers, guidé par le narrateur qui révèle lui-même les aspects troubles de sa personnalité au fur et à mesure du récit. Aveugle guidé par un borgne, nous n’avons qu’une solution : adhérer à notre tour à cette histoire, célébration de la nature et du souvenir, intemporelle et  sans complaisance. Le convoi de l’eau, pourtant parsemé de descriptions assez violentes (l’assassinat de l’épouse, le suicide de la jeune fille du village, la découverte du corps de l’un des ouvriers ou encore le récit des cruautés du narrateur) est un roman paradoxalement apaisant ; dans la mesure où la narration est dépourvue de tout jugement critique (seuls les chefs de chantier chargés d’évacuer les habitants du villages sont clairement blâmés) elle devient avant tout une sorte de refuge, un no man land à l’image du hameau dans lequel ni le bien ni le mal n’existe vraiment et où la rédemption devient possible. « Puissiez vous vivre des jours paisibles… » Pour le narrateur, le chantier est l’occasion de retrouver cette paix auquel il aspire. Pour nous… Et bien c’est juste une parenthèse silencieuse dans une réalité criarde. Mais ça fait du bien quand même…

 

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commentaires

P
Salut Beux !<br /> Je viens de faire une mise à jour de la lecture de tes articles, et laisse un commentaire sur celui-ci qui était délaissé mais qui m'a le plus séduit. On ne chipote pas, les japonais ont vraiment un sens du lyrisme et de la poésie bien plus développé que les occidentaux, une sensibilité naturelle, simple et touchante.<br /> Salutations du sud du Chili, ici c'est l'hiver et le chauffage des maisons se résume à celui de l'âtre qui brûle dans la pièce principale. Autres lectures aussi: Luis Sepulveda, Pablo Neruda, Sebastian Queupul (poète mapuche), Mario Benedetti, Isabel Allende... Connais tu cette littérature ci? <br /> Bonnes vacances si tu en as, de mon côté ce n'en sont pas à proprement parler, même si la destination parait exotique haha !
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B
<br /> Oui, il n'y a pas à dire, plus j'en lis, plus je suis séduite par la littérature japonaise, plus simple et moins "bavarde" que la littérature occidentale. Après je suis encore novice mais j'ai hâte<br /> de découvrir d'autres auteurs...<br /> Merci pour le bonjour du Chili. Tu as raison, ça fait rêver même si effectivement la description douche un peu mon enthousiasme! Je connais tous les auteurs que tu cites de nom, mais je n'ai lu que<br /> Sépulveda, qui, au demeurant m'a laissée un bon souvenir. Tu me conseilles des titres particuliers?<br /> Je suis encore en vacances effectivement, mais ma destination la plus exotique cette année s'est résumée à Toulouse ce qui, au demeurant n'est déjà pas mal...<br /> A bientôt!<br /> <br /> <br />