Mon doudou divin
Katarina Mazetti
éditions Gaïa
Après Le mec de la tombe d'à côté et Le caveau de famille, la très sympathique Katarina Mazetti s'attaque à un thème beaucoup plus casse-gueule avec Mon doudou divin: la croyance religieuse.
L'histoire est celle de Wera, pigiste dans une petite ville et qui, découvrant une annonce pour un stage de spiritualité, décide de s'y inscrire incognito pour faire un article là-dessus. Elle débarque ainsi à la Béatitude (ça ne s'invente pas) et fait la connaissance de ses hôtes, Adrian, un nouveau genre de gourou, sa compagne Annette et ses compagnons de stage: le gentil Karim, iranien musulman qui souhaite réconcilier les trois religions monothéistes entre elles, Madeleine qui porte un mystérieux sac à dos jour et nuit et qui tente de se libérer d'un lourd secret, Bertil, un médecin ayant quitté son activité pour d'obscures raisons et, enfin, la femme invisible, la Dame Grise, dont au fond personne ne sait rien. Durant trois semaine, ce groupe va apprendre à se connaître et, surtout, à l'exception de Wera l'observatrice cynique, chacun va s'efforcer de définir sa croyance....
Fonctionnant sous forme de huis-clos, la narration de Mon doudou divin est calquée sur le même modèle que Le mec de la tombe d'à côté: deux protagonistes qui, tour à tour, prennent la parole pour rendre compte des événements. Dans le cas présent, il s'agit de Wera et de Madeleine. J'avoue avoir été un peu déçue par ce système déjà vu et qui, de plus, délaisse du coup les autres personnages de l'histoire, à mon sens tout aussi importants. Cela manquait d'audace et d'innovation et, de façon générale, ce serait la critique principale que je ferais de cet ouvrage. L'auteur, quand elle parle de spiritualité, se contente de lancer quelques platitudes; les religions qui détruisent tout, les femmes dominées, s'il y a un Dieu comment peut-il tolérer toutes les souffrances dans notre monde, s'il n'y en a pas notre vie a-t-elle un sens, où allons-nous, etc.On se dirait presque dans un groupe de paroles pour ados. Globalement, Katarina Mazetti semble avoir entamé son livre de la même façon que ses personnages; dans l'incertitude mais avec l'espoir de découvrir quelque chose au fil du texte. Raté pour elle, raté pour son lecteur. Côté spiritualité nous n'apprendrons rien (en même temps c'est pas le but) et les réflexions énoncées dans le récit ne nous transporteront pas vers une quelconque extase mystique. Reste ceci dit le point fort de l'auteur: des personnages très bien rendus; le naïf et optimiste Karim, l'énigmatique Dame Grise et ses jolis poèmes, les interrogations non résolues de Bertil, le cynisme de Wera qui, de façon ironique, en apprendra beaucoup moins sur ses compagnons de stage alors qu'elle était là pour ça que Madeleine qui fera l'effort de parler avec eux... Les dialogues, les interactions entre protagonistes et leurs réparties parfois drôles parfois émouvantes corrigent un fond mal maîtrisé ou peut-être trop ambitieux. Ainsi, si Mon doudou divin me semble beaucoup moins percutant que les deux précédents romans que j'ai lu d'elle, Katarina Mazetti sauve les meubles en nous proposant un récit honnête qui apporte plus de questions que de réponses certes, mais qui nous invite à ne jamais renoncer à chercher. Et, après tout, n'est-ce pas le propre de la croyance?