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30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 12:47

L02.jpgLe chat Murr

Hoffmann

éditions Gallimard

entre 1820 et 1822

 

De Hoffmann, si vous êtes comme moi, vous ne connaissez probablement guère que ses contes fantastiques et sans doute pas le curieux ouvrage Le chat Murr que Les 1001 livres... ont pourtant choisi de mettre à l'honneur. Comme son nom l'indique, l'histoire est celle du chat Murr, un matou érudit qui sait lire et écrire et peut ainsi rendre compte de sa vie et de son expérience auprès de son maître, un riche juif qui semble jouir d'une certaine notoriété. Là où l'affaire se corse, c'est que Murr a arraché sans vergognes les pages d'un autre livre pour s'en servir de buvard et de sous-main et que, du coup, à son récit se mêle la biographie d'un maître de chapelle du nom de Johannès Kreisler, intime de maître Abraham, le propriétaire du narrateur.

Toute la curiosité du livre de Hoffmann tient dans ce mélange improbable de genres et de rythmes. D'un côté vous avez le récit construit du chat, modèle de sagesse et d'érudition, qui réfléchit et tire parti de chacune de ses expériences pour atteindre à la connaissance suprême et, de l'autre, vous avez l'histoire de Kreisler, fragmentaire, incomplète et mettant en scène un homme inquiet, émotif, amoureux? et qui, tel un Hamlet du 19e hante les bois sombres et joue la folie pour mieux affronter un monde d'intrigues familiales, de duels, de nobles et de musique. Dans l'histoire de Murr, tout est cadré, analysé, soupesé; le style est classique, la prose élégante mêle quelques vers plus ou moins bons de l'animal. La biographie de Kreisler en revanche est hâchée, le style chargé et dialogues et chants alternent avec des événements dramatiques et passionnés. Renaissance contre gothique en bref. Là où ça devient intéressant c'est de constater que la pédanterie de Murr le rend légèrement ridicule d'autant plus que ses propos sont parfois en décalage avec les événements qu'ils racontent (la façon dont il va se cacher régulièrement sous le poêle pour échapper à ses ennemis ou la vision d'un monde qui ne dépasse jamais le seuil de la maison de son maître) tandis que Kreissler qui joue au fou laisse entrevoir une personnalité complexe et droite, tirailllé entre ses aspirations musicales et la jolie Julia à la voix d'or. Le plus sage des deux n'est pas forcément celui que l'on croit...

Reste que le chat Murr ne demeurera pas forcément un souvenir de lecture impérissable. Pourquoi? Déjà, je pense qu'il faut le lire d'une traite afin de mieux de profiter du décalage entre les deux points de vue et se laisser emporter par un récit complexe, plein de non-dits et de sous-entendus. Le lire par petits bouts est une mauvaise idée. Ensuite, le style d'Hoffmann, bien que plein de grâce, n'est pas non plus sans maladresses et sans longueurs, trop emphatique par endroits, trop mystérieux à d'autres. De plus, dans l'histoire de Kreisler, l'auteur se plaît à multiplier intrigues et mystères mais laisse finalement beaucoup trop de non-dits ce qui est d'autant plus frustrant que l'ouvrage n'a jamais été fini et que nous ne saurons jamais comment se termine l'histoire. C'est donc avec un goût d'inachevé que j'ai fini une lecture intéressante mais pas inoubliable.

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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 12:40

L02.jpgMansfield Park

Jane Austen

éditions 10/18

1814

 

Quand je songe à Jane Austen, je suis toujours un peu triste. Voilà quelqu'un avec un talent littéraire absolument étonnant et une connaissance fine des sentiments humains. Serait-elle née à une autre époque, aurait-elle vécu un peu plus longtemps qu'elle se serait pleinement épanouie. Au lieu de cela, morte à à peine plus de quarante ans, elle n'est perçue par la plupart de nos contemporains que comme une vieille fille discrète écrivant des histoires d'amour qui finissent bien.

Mansfield Park n'est pas l'oeuvre de Jane Austen la plus connue et c'est loin d'être son meilleur ouvrage. L'histoire est celle de Fanny Price qui, dès son enfance, est arrachée à sa famille d'origine modeste pour être élevée par son oncle et sa tante à Mansfield Park. Peu à peu la jeune fille craintive et vertueuse tombe amoureuse de son gentil cousin, Edmond, le second fils et destiné à devenir pasteur. Mais Edmond la considère avec toute la tendresse d'un frère et n'a d'yeux que pour la jolie et délurée miss Crawford tandis que, de son côté, ses soeurs Maria et Julia s'éprennent du frère de cette dernière, le volage Henry.

Comme dans Raisons et sentiments et Orgueil et préjugés, on retrouve des personnages types de l'auteur: la jeune fille vertueuse (Fanny), le jeune homme vertueux (Edmond) le séducteur volage (Henry) et la gourgandine mal éduquée (Mary). Dans Mansfield Park ceci dit, les caractères sont plus nuancés: Mary, aussi frivole soit-elle, est capable d'aimer profondément Edmond, Henry est prêt à épouser Fanny tandis qu'Edmond est prêt à faire fi de certains principes pour les beaux yeux de sa belle. La seule qui soit toujours égale à elle-même, droite et constante, c'est Fanny et elle est d'un ennui! Jamais Jane Austen ne m'avait ennuyée avec une héroïne aussi timorée, aussi prude et aussi prévisible. Amoureuse d'Edmond elle ne prend aucune initiative pour se l'attacher, n'ose rien demander, n'ose rien entreprendre et se contente durant tout le livre de s'indigner devant les manières très libres de ses proches. De fait, elle reste l'éternelle spectactrice de l'ouvrage, ne jouera aucun rôle majeur et ne se livrera à aucun épanchement d'aucune sorte. Oui, il faut être honnête; j'ai largement préféré le couple de frère et soeur à celui du couple de cousins. Henry et Mary Crawford sont en effet des personnages plus intéressants et il est dommage que l'auteur leur réserve une fin aussi prévisible et aussi convenue. Mansfield Park a cependant de nombreuses qualités : l'ironie de Jane Austen fait toujours merveille, notamment lorsqu'elle raille le personnage de  Mrs Norris, la veuve avare et commère ou encore celui du fiancé insipide de Maria. Les sentiments sont également très bien rendus; je pense notamment à ce très émouvant passage où Fanny assiste, impuissante, à la répétition théâtrale d'une scène d'amour entre Mary et Edmond ou à ces nombreux moments où elle joue bien malgré elle le rôle de confidente de miss Crawford ou de son cousin. Pour toutes ces raisons, je ne considèrerai pas Mansfield Park comme un mauvais livre mais je conseillerai plutôt à ceux qui n'ont jamais lu du Jane Austen de commencer par autre chose...

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9 mars 2014 7 09 /03 /mars /2014 14:36

L02.jpgMelmoth

Charles R. Mathurin

éditions Libretto

1820

 

L'histoire commence lorsque le jeune John Melmoth se rend au chevet de son oncle mourant dont il est l'héritier. Ce dernier, sur son lit de mort, lui fait promettre de détruire le portrait vieux de 150 ans d'un mystérieux aïeul. Notre héros s'exécute, non sans avoir pris le temps de lire quelques documents relatifs à l'homme du portrait, documents troublants s'il en est... Quelques temps plus tard, un navire fait naufrage sur la côte et Melmoth recueille un rescapé espagnol, ancien moine, qui lui relate son histoire, histoire qui, curieusement, fait encore une fois intervenir l'ancêtre de notre héros...

Melmoth, ouvrage faisant partie de nos 1001 livres... délaissés quelque peu ces derniers temps, est considéré comme le dernier roman gothique mêlant surnaturel et couloirs sombres, pactes maudits et religieux exaltés. D'un point de vue narratif, c'est plutôt intéressant : l'auteur imbrique plusieurs récits les uns dans les autres, celui de Melmoth interrompu par celui de l'espagnol, lui-même interrompu par l'histoire de la jeune fille sur son île, interrompu par l'histoire de la famille malchanceuse, etc. Toutes ces histoires imbriquées à la manière de poupées gignognes ont une seule constante, l'homme au portrait qui, telle une ombre menaçante, plane sur le livre. Bon, dit comme ça, Melmoth a l'air génial. En pratique, c'est un pavé de sept cent pages un peu longuet, avec une fin expéditive et des descriptions saisissantes qui se perdent dans un style emphatique et des personnages manichéens. Je n'en retiendrai pas de ce fait l'aspect "gothique" (j'ai été pour le coup beaucoup plus convaincue par Anne Radcliffe ou Le Moine de Lewis) mais j'avoue avoir été séduite par quelques envolées lyriques, notamment celles de la malheureuse "fiancée" de Melmoth le maudit:

 

"Je ne sais qui vous êtes, mais je suis à vous. Je ne sais qui vous servez, mais, qui que ce soit, je le servirai aussi. Je veux être à vous pour toujours. Abandonnez-moi si vous voulez mais, quand je serai morte, revenez dans cette île, et dites en vous-même : les roses ont fleuri et se sont fanées, les ruisseaux ont coulé et se sont desséchés, les rochers ont été déplacés et les astres dans le ciel ont changé leur cours; mais il existait un coeur qui n'a jamais changé, et il n'est point ici!"

 

Pour faire court, amateurs de sueurs froides ne vous lancez pas là-dedans. L'oeuvre de Mathurin est un récit fantastique, certes, mais c'est un fantastique à la Mary Shelley : romantisme noir, ode à la nature, solitude de l'homme face à une société corrompue et fanatique (les moines décrits par l'espagnol inquiètent presque plus que l'homme du portrait), souffrance de l'être écartelé entre son désir de survie et la craine de perdre son âme... Certes, quand on y songe, c'est effectivement presque plus inquiétant que des hurlements ou des chaînes qui grincent dans l'obscurité...

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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 20:08

L09.jpgIvanhoé

Walter Scott

éditions Livre de Poche

1819

 

J'avoue, j'étais sortie de ma lecture de Rob Roy un peu fâchée contre Walter Scott et ne comprenant pas bien la célébrité d'un auteur au style aussi ennuyeux. Les 1001 livres... et la lecture d'Ivanhoé m'ont permis de revenir sur mes préjugés.

Angleterre, XIIème siècle. Ivanhoé, jeune chevalier saxon que son père a désavoué à cause de sa sympathie pour les normands ("les colonisateurs") et le roi Richard Coeur de Lion, revient incognito de croisade. L'occasion pour lui d'admirer en cachette les beaux yeux de sa cousine Rowena et d'aspirer à une action qui le réhabiliterait aux yeux du patriarche et  qui lui permettrait d'épouser sa dulcinée. ça tombe bien, un tournoi a lieu dans quelques jours, organisé par le frère du roi, Jean. Aidé du juif Isaac et de sa douce fille, Rébecca, Ivanhoé se déguise et se rend sur les lieux de la joute. Mais les choses sont loin de se dérouler comme prévu; Ivanhoé se retrouve blessé et ne doit son salut qu'à l'apparition d'un chevalier encore plus mystérieux que lui...

Amours, tournois, complots politiques, moines joyeux et templiers sinistres, chevaliers brutaux et gentes dames, on trouve de tout dans ce roman qui, pour moi, avant d'être un roman historique est surtout un roman d'aventure. Et quel roman ! Walter Scott ne s'embarrasse guère ici de vraisemblance, allant même jusqu'à "ressusciter" plus ou moins un personnage car son éditeur ne se remettait pas de sa mort et faisant ça et là quelques anachronismes bien excusables. Ivanhoé c'est le récit de la rivalité entre saxons et normands avant que les différences se fondent en une seule nation, c'est également l'histoire d'un roi, Richard Coeur de Lion, personnage devenu aujourd'hui légendaire, qui cherche à retrouver son trône et qui doit pour se faire, déjouer les complots de son frère.  Le récit est enlevé, léger et souvent ironique. Les personnages sont merveilleusement rendus. Paradoxalement, le plus terne d'entre eux est le héros éponyme qui joue le rôle du jeune premier parfait et diablement ennuyeux. Sa promise, Rowena n'est guère plus intéressante, son rôle se bornant essentiellement à se faire enlever et à pleurer. En revanche, on ne peut que rire devant le personnage de Cédric, le père d'Ivanhoé, ce noble saxon qui s'attache avec obstination à un monde qui se meurt, ou encore devant Athelstane, l'ami de ce dernier, dont la principale préoccupation est de manger et de boire. Le roi Richard Coeur de Lion est quant à lui parfaitement représenté dans le rôle du roi débonnaire mais colérique, tout aussi capable de combattre que de festoyer. Sa scène avec un frère rencontré dans les bois, le frère Tuck (car oui, nous avons aussi Robin des Bois dans ce livre) est l'une des plus réussies du livre. Enfin, il serait injuste de ne pas nommer la juive Rébecca dont la douceur, la détermination, la foi et l'amour sans espoir pour Ivanhoé en font sans aucun doute le personnage le plus attachant de l'histoire.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur Ivanhoé, que ce soit sur le style ou sur les péripéties. Mais, pour le coup, je préfère plutôt vous inciter à le lire malgré son épaisseur. En effet, en ce qui me concerne, ce livre mérite amplement sa place dans Les 1001 Livres...

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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 09:15

L04.jpgFrankenstein

Mary Shelley

éditions Flammarion

1818 (seconde édition en 1831)

 

L'histoire commence lors d'une soirée en Suisse. Dans la résidence de lord Byron, quatre invités se sont réfugiés pour échapper à la pluie. Il y a le docteur Polidori, le poète Shelley, sa maîtresse Mary Godwin une jeune femme d'à peine dix-huit ans et la demi-soeur de cette dernière Claire Clairmont qui est la maîtresse de Byron et qui deviendra plus tard celle de Shelley. Comme il n'y a pas grand-chose à faire à part s'entretenir au coin du feu, ça bavasse sec et la conversation s'oriente sur les histoires de fantômes. Tous s'échauffent et l'idée d'un jeu est lancée : pourquoi ne pas écrire chacun une histoire du style ? Nos convives s'enthousiasment. Au matin ceci dit, comme toute idée lancée au cours d'une beuverie, presque tout le monde a plus ou moins oublié d'autant plus que le beau temps est revenu. Tout le monde sauf Mary Godwin qui, un an plus tard, met la touche finale à son roman. Son titre ? Frankenstein.

Victor Frankenstein est un jeune homme enthousiaste et passionné, entouré d'une famille aimante, d'un ami fidèle et promis à la jolie et douce Elizabeth, une enfant trouvée que ses parents ont élevé et qu'il aime à la folie. Mais Victor est aussi un être curieux qui rêve de percer les mystères de la vie. Il découvre le moyen d'animer un être de chair morte et récupère alors des morceaux de cadavres pour créer la vie. Mais l'être qu'il crée est monstrueux d'aspect et suscite en lui horreur et répulsion. Frankenstein rejette son oeuvre et essaie de l'oublier. Pas longtemps hélas car le monstre hideux est fui par tous. Chassé, haï par les hommes, son désir d'être aimé se transforme en désir de vengeance  : et le premier à en souffrir va être son créateur. Méthodiquement, le monstre décide de s'attaquer à tous ceux que Victor aime...

Vous avez tous entendu parler de Frankenstein  qui a fait l'objet de nombreuses adaptations cinématographiques et dont le mythe est devenu presque aussi célèbre que celui de Dracula. Difficile de croire que tout part d'un roman de jeunesse bourré d'incohérences (le monstre apprend à parler, lire et philosopher en moins de deux ans, Frankenstein peut créer la vie mais est incapable de ressusciter les êtres qui lui sont proches) et qui n'est pas sans longueurs, l'action étant souvent coupée par les lamentations des divers personnages. Ceux qui lisent aujourd'hui l'oeuvre de Mary Shelley en s'attendant à un roman d'épouvante en sont pour leurs frais : Frankenstein ne fait ni sursauter ni courir se réfugier sous ses draps et les scènes effrayantes sont minimes. Il y a la scène de la création du monstre, les scènes où la créature épie son maître à travers la fenêtre, un rictus hideux sur les lèvres, mais à part  ça... Le récit est avant tout d'inspiration romantique et la narration s'étend sur les merveilles de la nature, les montagnes de Suisse, les majesteuses glaces du Nord, la profondeur du Rhin, l'immensité d'une création qui fait écho à la douleur sans fond des différents personnages. Le paysage est exalté et les personnages expriment leurs souffrances dans des plaintes qui n'en finissent pas. Pleurs d'Elizabeth, regrets de Victor, isolement du monstre... Frankenstein n'est pas un récit d'horreur, c'est un récit de la solitude : difficile de définir qui est le plus à plaindre, du créateur qui voit les êtres aimés lui être arrachés un par un  ou du monstre qui se voit rejeté, privé d'amour à cause de son aspect. Le livre ne fait pas frémir mais il est angoissant. Ecrit par un auteur qui a côtoyé la mort de façon étroite toute sa vie (mort en couches de sa mère, trois enfants morts en bas-âge, suicide d'une demi-soeur et de la première femme de son mari, noyade enfin de Shelley lors d'un naufrage) Frankenstein nous renvoie à une peur profonde et contre laquelle on ne peut pas grand-chose : perdre un à un les êtres qu'on aime pour finir seul.

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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 13:26

L08.jpgRob Roy

Walter Scott

éditions Robert Laffont

1817

 

J'avais déjà entendu parler de Rob Roy par le passé en lisant des romans sans doute déjà datés et qui évoquait le livre de Walter Scott en le présentant comme le récit d'aventure par excellence. Aussi n'ai-je pas été surprise de le retrouver dans les 1001 livres... En revanche, c'est en voulant me le procurer que j'ai découvert avec étonnement que :

a) Rob Roy n'est plus édité et ne se trouve que dans des oeuvres complètes.

b) et ben en fait, le livre n'est pas connu que ça.

 

Ajoutons à cela que, après lecture, je comprends un peu pourquoi l'ouvrage a mal vieilli.

 

Si Rob Roy est bien le nom d'un personnage, celui d'un brigand écossais ayant réellement existé, le narrateur est Franck Osbaldistone, un jeune homme rêveur qui aime écrire des vers et ne peut se résigner à reprendre le métier de son père, commerçant de son état. Ce dernier, mécontent, menace de le déshériter et l'envoie chez son oncle tandis que son cousin Rasleigh prend sa place dans la succession. Franck fait de la sorte connaissance avec son oncle, ses cousins et, surtout, une ravissante et lointaine cousine, Diana Vernon, dont il tombe immédiatement amoureux. Mais, entre les malversations de Rasleigh, des démêlés judiciaires et les tensions politiques entre catholiques et protestants à la veille de la révolte de 1715, Franck se retrouve bientôt embarqué dans d'incroyables péripéties qui le mèneront au coeur de l'Ecosse et lui feront faire la connaissance de Robert Campbell, alias Rob Roy, bandit écossais au grand coeur (l'équivalent de Robin Hood) qui, à la tête d'un clan pille les villages et tient tête aux forces de l'ordre...

Dans ce roman, Walter Scott se penche sur le parcours d'un jeune homme tiraillé entre son devoir et ses aspirations, son amour pour une femme et son respect pour un père. Encore faut-il relativiser car à dire vrai, Franck n'hésite guère. Il sacrifie son amour de la poésie pour suivre une carrière dans les affaires, quitte Diana pour voler au secours d'un père et, en dépit de sa sympathie pour Rob Roy lutte contre lui et ses sympathisants, ardent défenseur du gouvernement protestant et d'un monde où les horloges tournent à l'heure. Est-il besoin de le dire? Franck n'est guère un personnage intéressant : il est lisse, ne remet rien en question, et regrette immédiatement son seul acte de rébellion, avoir tenu tête à son père. Rien d'étonnant à ce que beaucoup considèrent Rob Roy comme le véritable héros de l'histoire, le narrateur ne jouant alors qu'un simple rôle de spectacteur. Rob Roy est un homme haut en couleurs, brigand sans cruauté et qui se bat pour ses idées quitte à braver le pays tout entier. Il ruse, il s'échappe, il a une bonne dose d'humour et un certain sens de l'honneur. Ainsi, alors que Franck semble être le jouet de sa destinée, Rob Roy la domine. Inutile de dire lequel des deux est le plus intéressant. Dommage que Walter Scott n'aille pas au bout de son idée : de ce roman il aurait pu faire quelque chose d'assez subversif mais, à la place il en fait un récit historique sans revendications et présente Rob Roy comme un personnage atypique qui n'a guère de place dans le monde réel et bien rangé de Franck et n'éveille aucun écho en lui. Ce parti pris ainsi qu'un style assez poussiéreux a fait que Rob Roy n'a pas éveillé en moi un intérêt majeur si ce n'est pour l'histoire de l'Ecosse, un pays que notre auteur décrit avec beaucoup de réalisme et un sincère enthousiasme. Espérons que Ivanhoé, prochain roman de Walter Scott sur ma liste, m'apporte plus de satisfaction...

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12 septembre 2013 4 12 /09 /septembre /2013 11:23

L04.jpgAdolphe

Benjamin Constant

Editions Flammarion

 

"Par quelle pitié bizarre n'osez-vous rompre un lien qui vous pèse et déchirez-vous l'être malheureux près de qui votre pitié vous retient? Pourquoi me refusez-vous le triste plaisir de vous croire au moins généreux? Pourquoi vous montrez-vous furieux et faible? L'idée de ma douleur vous poursuit, et le spectacle de cette douleur ne peut vous arrêter! Qu'exigez-vous? Que je vous quitte? Ne voyez-vous pas que je n'en ai pas la force? Ah! C'est à vous, qui n'aimez pas, c'est à vous de la trouver, cette force, dans ce coeur lassé de moi, que tant d'amour ne saurait désarmer. Vous ne me la donnerez pas, vous me ferez languir dans les larmes, vous me ferez mourir à vos pieds."

 

Adolphe, c'est une histoire d'amour à l'envers; c'est le récit d'un narrateur, Adolphe qui, persuadé qu'il est tombé amoureux d'une femme de dix ans son aînée, Ellénore, parvient à la séduire et à lui faire quitter amant et enfants avant de réaliser qu'en fait il ne l'aime pas tant que ça. Mais comment briser une liaison amoureuse quand on est un être faible, indécis et, il faut bien le dire, pas très clair dans ses propres sentiments? Adolphe est-il retenu auprès de sa maîtresse par la pitié, la tendresse ou la culpabilité? Pétri de contradictions, le narrateur reste auprès d'Ellénore alors que tout son être aspire à rompre une relation qui lui pèse. Sans doute largement inspiré de la vie de son auteur Benjamin Constant et notamment de sa liaison amoureuse avec Madame de Staël, Adolphe est une oeuvre sans pitié qui pose sur ses deux protagonistes un regard sans concessions : en effet, si le héros éponyme est décrit comme un être lâche, incapable de la moindre décision, prompt à se plaindre et à s'apitoyer sur lui-même, l'héroïne elle-même n'est guère épargnée. Ellénore est un être passionné et étouffant, une femme que l'amour rend jalouse, coquette, parfois ridicule, et qui est vue comme un obstacle aux aspirations d'Adolphe. Le narrateur la décrit sans complaisance, non pas avec le regard subjectif d'un amoureux, mais avec l'objectivité cruelle d'un homme qui n'aime plus. Scènes de ménage d'Ellénore, atermoiements d'Adolphe, tout cela fait du roman un huis-clos étouffant dans lequel chacun des amants se renvoie au visage sans l'exprimer clairement leurs torts respectifs: Ellénore en veut à Adolphe de ne pas l'aimer comme elle l'aime, Adolphe en veut à Ellénore de ne pas lui rendre sa liberté. Style classique qui s'inspire tout autant du roman épistolaire que des Confessions de Rousseau, l'oeuvre de Constant de par son héros tourmenté est également teinté d'une touche de romantisme. C'est un récit brillant et une description glaciale de la psychologie amoureuse. Les mots sont ici destructeurs et et les lettres jouent un rôle-clé dans l'intrigue; c'est un courrier d'Adolphe qui séduit Ellénore, c'est une autre de ses lettres qui la fait mourir de chagrin. Ambivalence du sentiment, poids de la société, Adolphe décrit tout cela mais, surtout, décrit admirablement la tragédie d'un homme qui devient bien malgré lui le bourreau de celle qui l'aime....

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6 septembre 2013 5 06 /09 /septembre /2013 10:38

L01.jpgEmma

Jane Austen

éditions Archipel

 

Emma Woodhouse, jeune fille de 21 ans vivant seule avec un père veuf et très à cheval sur ses petites habitudes, s'ennuie depuis que sa gouvernante et meilleure amie, Miss Taylor, s'est mariée. Aussi pour se distraire décide-t'elle de se lancer dans une carrière d'entremetteuse et de réunir les âmes esseulées de son entourage. Et c'est avec Harriet Smith, une jolie enfant d'obscure naissance qu'elle décide de commencer, ambitionnant de lui faire épouser le galant vicaire Mr Elton. Mais Emma a beau être de bonne volonté et une fort belle âme, c'est également une jeune fille têtue et pas forcément très subtile qui interprète les faits dans le sens qui lui convient. Aussi ses plans prennent-ils très rapidement un tour inattendu...

Dernier ouvrage de Jane Austen publié de son vivant et également dernier de ses livres faisant partie des 1001 livres..., Emma ne m'a pas autant interpellée que Orgueil et préjugés, la faute peut-être à un ton un tantinet plus moralisateur: l'héroïne s'obstine à élever une jeune fille, Harriet, au-dessus de sa condition, l'auteur marquant ainsi les dangers d'une société où les gens ne restent pas à leur place. De fait, j'avoue ne guère avoir apprécié le traitement qui est fait de Harriet qui, du fait de sa condition modeste, apparaît forcément comme une jeune fille faible, influençable, et véritable coeur d'artichaut. C'est ceci dit mon seul bémol. Emma est un personnage abouti qui, à elle seule, justifie la lecture de l'ouvrage. Véritable force de la nature, elle se révéle tour à tour intriguante et manipulatrice, soeur et fille dévouée, amie fidèle mais qui peut parfois se montrer cruelle... Elle multiplie les erreurs et les quiproquos avec la meilleure mauvaise foi du monde et s'aveugle tant sur ses sentiments que sur ceux de son entourage. Sa bonne humeur et sa joie de vivre n'en font pas une héroïne mièvre et la narration, vue essentiellement à travers ses yeux, la rend d'autant plus attachante au lecteur que celui-ci est invité à partager son cheminement et ses errances. C'est également à travers ses yeux que le lecteur appréhende le petit monde qui gravite autour d'elle, toujours cette même société close que dans Raison et sentiments ou Orgueil et préjugés, et adopte de ce fait le même regard critique et tendre pour juger la trop parfaite Miss Fairfax, la trop bavarde Miss Bates, l'épuisante Mrs Elton, l'hypocondriaque Mr Woodhouse... Seul l'énigmatique Mr Knightley échappe à ce jugement, la narration glissant même de son côté un bref instant vers le milieu de de l'histoire, permettant au récit de basculer et de perdre son côté subjectif. Cet effet mieux que tout autre artifice fait prendre conscience au lecteur que le héros masculin n'est ni le fat Elton ni le séduisant Churchill, mais bien l'homme mûr et le confident d'Emma, celui qui la voit telle qu'elle est avec ses qualités et ses défauts... Ce jeu de narrations, la réussite dans la description des caractères et des situations, tout cela fait d'Emma une grande réussite littéraire et nous fait regretter que la vie de son auteur se soit achevée deux ans plus tard...

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20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 19:16

L09.jpgOrgueil et préjugés

Jane Austen

éditions Archipel

 

Mr Bennet dans le Hertfordshire est bien en peine. Il a une femme sotte et cinq filles à marier. Pour ne rien arranger, les trois plus jeunes sont aussi sottes que leur mère et il ne se console qu'avec ses deux aînées, la très jolie Jane et Elizabeth, vive et agréable. Mais le destin semble tourner pour lui avec l'arrivée dans le voisinage d'un riche jeune homme, Mr Bingley, qui se révèle être le parti idéal. Mr Bingley est doux, poli, attentionné et succombe très vite au charme de Jane. Elizabeth en revanche se heurte rapidement à l'ami de leur nouveau voisin, Mr Darcy, un homme hautain et désagréable qui méprise ouvertement les Bennet et leur entourage...

On retourne à Jane Austen avec ce classique de la littérature qu'est Orgueil et préjugés et qu'on ne présente plus. Le livre est à la hauteur de sa réputation. Il se passe dans un espace clos, dans une société fermée et rigide que le lecteur a tout le loisir d'observer à travers le regard critique d'Elizabeth, l'héroïne de l'histoire. Elizabeth est un personnage atypique, bien élevée mais néanmoins acerbe et dont la répartie fait tout le sel du récit. Face à elle nous avons Mr Darcy, autoritaire, fier et entêté et dont la première demande en mariage est un chef-d'oeuvre de préjugés et de goujaterie. Les dialogues, plus travaillés que dans Raison et sentiments sont également irrésistibles. Outre l'histoire d'amour atypique, Jane Austen dépeint un monde replié, des hommes qui ne pensent qu'à s'établir, des femmes qui ne songent qu'à se marier, des jeunes filles qui ne songent qu'à s'amuser.... C'est un univers qui paraît bien petit mais qui est pourtant révélateur d'une société qui se préoccupe peu du monde extérieur et s'inquiète moins des bouleversements politiques que du prochain scandale mondain. Au-delà de la satire, Orgueil et préjugés est avant tout un roman psychologique qui s'interroge sur la naissance des sentiments et la façon dont l'attitude d'un être peut influer sur la perception qu'on a de lui. Et pour les plus sentimentales d'entre nous, c'est un roman qui raconte la jolie histoire entre deux têtes de mules qui finissent après bien des déboires par se retrouver et s'avouer leur amour... En bref, encore un 1001 livres... qui ne démérite pas.

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28 juillet 2013 7 28 /07 /juillet /2013 12:17

L02.jpgLa Maison du Chat-qui-pelote et autres scènes de la vie privée

Honoré de Balzac

éditions Gallimard

 

Bon, avant de passer à des lectures plus légères, retournons voir Balzac que nous avions un peu laissé de côté. Cette fois, nous nous attaquons à quatre de ses nouvelles: La Maison du Chat-qui-pelote, La Vendetta, le bal des sceaux et, plus confidentiel, La Bourse. Tous ces récits sont centrés sur le thème du couple et du mariage. Dans La Maison-du-Chat-qui-pelote, un jeune peintre tombe sous le charme d'une fille de commerçant et l'épouse en dépit des craintes de ses beaux-parents: mais le couple, mal assorti, ne tarde pas à battre de l'aile ; lui l'artiste s'accommode mal du terre-à-terre bourgeois de sa femme tandis que cette dernière s'efforce en vain de comprendre le monde de son mari. Le mariage se révèle un échec et plonge dans le malheur les deux partis. La seconde nouvelle, Le Bal des sceaux, brode sur le même thème: une jeune femme orgueilleuse tombe amoureuse d'un jeune homme bien sous tous rapports, intelligent et cultivé. Mais découvrant que ce dernier a choisi de devenir commerçant pour favoriser son frère aîné, elle le repousse avec horreur, déterminé à n'épouser qu'un aristocrate rentier; pas de mariage pour ces deux-là mais le malheur quand même. Autre mariage raté, celui des héros de La vendetta: bravant la colère de son père, une jeune corse épouse un homme dont la famille est en guerre avec la sienne. C'est une histoire à la Roméo et Juliette avec un dénouement tout aussi tragique... Enfin La bourse, nouvelle plus légère, relate l'histoire d'un peintre qui tombe sous le charme de sa jolie et pauvre voisine mais ne tarde pas à s'interroger lorsque sa bourse d'argent disparaît mystérieusement chez elle. Sa mère et elle ne seraient-elles que des voleuses?

L'amour en dépit des différences... Un mariage entre deux êtres qui ne se ressemblent pas est-il possible? La réponse de Balzac semble moins catégorique que les résumés de ses nouvelle ne le laissent croire. Pour l'auteur, un mariage entre deux êtres qui n'ont pas la même culture ni les mêmes aspirations, est voué à l'échec: Augustine, victime innocente de La Maison du Chat-qui-pelote n'a pas l'intelligence ni l'imagination nécessaire pour comprendre et se faire aimer de son mari. Après une passion passagère, celui-ci se désintéresse d'elle... En revanche, l'héroïne du Bal des sceaux repousse l'amour de sa vie à cause de simples conventions sociales: une attitude qui lui est également funeste. Pour Balzac, la pauvreté n'est pas synonyme de bêtise ou d'ignorance et la différence sociale peut très bien être surmontée pour peu que le couple partage les mêmes attentes. Mais c'est un pari dangereux, voire impossible pour peu que la famille ou la société s'en mêle. De fait trois des quatres nouvelles du recueil sont très sombres et assez cyniques, finissant même parfois par la mort des protagonistes... La bourse finit certes bien mais c'est une nouvelle mineure, plus courte que les autres et nettement moins bien écrite. L'ouvrage reste cependant plaisant à lire: le style de Balzac se distingue nettement avec les descriptions à rallonge qui font tout le sel de ses récits et ses portraits sans concessions. On distingue les bases de ce qui sera La Comédie humaine et on passe un bon moment dans ce Paris du XIXème siècle avec ses boutiquiers et ses peintres, ses monarchistes et ses duchesses, ce monde à mi-chemin entre notre époque et celle de l'ancien temps...

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