Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 janvier 2016 4 28 /01 /janvier /2016 10:50

L03.jpgRock War 1

Robert Muchamore

éditions Casterman

2014

 

J'avoue que c'est sans entrain que je me suis lancée dans la lecture de ce roman ado dont le synopsis ne fait pas franchement envie :"Trois rebelles qui vont se livrer bataille pour accomplir leur destinée." Rassurez-vous, on parle de bataille musicale là puisque nos trois "rebelles" sont des passionnés de musique chacun à leur manière. Rien que le titre Rock War me donnait envie de partir en courant. Mais c'est Muchamore hein. Muchamore c'est un auteur que je n'avais jamais lu mais qui me rend service à la période de Noël quand arrive l'éternel adulte qui doit faire un cadeau pour un garçon de treize ans mais qui ne connaît pas du tout ses goûts, s'il aime lire ou pas et oh non pas du fantastique hein : allez hop un Cherub ! Je me suis donc dit que je devais bien à ce bon vieux Muchamore de lire tout de même un de ses livres un jour.

C'est donc parti pour l'histoire de Jay, Summer et Dylan, trois incompris chacun à leur manière et qui, chacun dans leur coin, s'adonnent à leur passion, la musique. Et, dès le départ, c'est pénible. Je ne parle pas du style de Muchamore qui n'est pas désagréable en soi, mais le rythme de l'intrigue est survolté et les personnages hystériques. Et que dire de ces bons gros poncifs que Muchamore nous balance avec tant de finesse : ah le fils pourri gâté et sa riche mère cruche qui ne voit pas que son rejeton est un musicien plus médiocre, ah le gamin courageux qui se dépatouille au milieu d'un univers violent, ah l'adolescente responsable qui s'occupe toute seule de sa grand-mère malade et qui ramène du papier toilettes du lycée parce que c'est trop cher pour leur budget, ah la musicienne qui se scarifie, le chanteur volage... Ce qui sauve l'histoire, c'est quand Muchamore arrête de nous bassiner avec des situations tirées de "Tellement vrai" pour parler de musique. Pour le coup, cela sonne juste et c'est avec intérêt que l'on suit le parcours de trois groupes différents qui s'essaient à la composition. J'attendais même avec plutôt d'intérêt le moment où ces groupes allaient s'affronter dans une première compétition. Las ! Là encore l'auteur s'empresse d'en faire des tonnes et complique tout ça avec une panne de voiture, des arrestations dans le train, des actes de vandalisme, des inondations... Cette surenchère fatigue profondément et noie tout l'intérêt d'un roman pas désagréable en soi mais bruyant et écrit si manifestement pour plaire à un certain type de lectorat qu'il ne peut guère toucher passé quinze ans.

Partager cet article
Repost0
27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 18:26

L01.jpgPromesse

Jussi Adler Olsen

éditions Albin Michel

2014

 

Après son plutôt décevant Effet papillon, Adler Olsen reprend du service avec une nouvelle enquête du département V. A la fin des années 90, dans une petite île danoise, le corps d'une jeune fille est retrouvée accroché à un arbre, visiblement percuté par un chauffard. La police locale, débordée, conclut vite à un accident mais un inspecteur n'y croit pas : pendant des années, Habersaat va enquêter sur cette affaire, développant une obsession, jusqu'au jour où, près de vingt ans plus tard, il se tire une balle dans la tête non sans avoir au préalable confié son enquête à Morck et à son équipe de bras cassés.

C'est une bonne surprise que ce dernier opus. Je craignais en effet un essoufflement de la série mais l'auteur nous prouve aujourd'hui qu'il sait rebondir : Adler Olsen daigne enfin avancer un peu sur l'enquête qui a failli coûter la vie à Morck et qui l'a fait atterrir aux affaires classées et, sans les occulter, il met un peu à l'arrière-plan ses personnages principaux qui avaient de plus en plus tendance ces derniers temps à prendre plus d'importance que les enquêtes elles-mêmes pour se concentrer sur une intrigue digne de ce nom avec un dénouement que, pour une fois, on ne sent pas venir. De plus il soigne davantage ses personnages secondaires et évite les "méchants" trop lisses. Ajoutez à cela un huis-clos au début du récit assez réjouissant, lorsque Carl, Assad et Rose se retrouvent à enquêter sur l'île, ainsi que l'humour décalé d'un auteur qui parvient à nous faire rire malgré des situations abominables. Il ne me reste plus qu'à conclure en disant que Promesse porte bien son nom et tient toutes ses promesses (même si j'essaie encore de saisir le rapport avec le contenu du roman pour le coup). Vivement la suite !

 

Partager cet article
Repost0
22 janvier 2016 5 22 /01 /janvier /2016 19:39

L02.jpgLes derniers jours des reines

sous la direction de Jean-Christophe Buisson et Jean Sevillia

éditions Perrin

2015

 

Oui je sais, ce n'est pas logique : je viens de descendre en flammes Le fin mot de l'histoire et j'enchaîne avec un livre qui traite grosso modo du même sujet. Il faut que j'arrête avec les histoires d'agonies c'est un peu morbide. Ici cependant il s'agit d'agonies très chics puisqu'on parle des derniers jours des reines, depuis la très renommée Cléopâtre jusqu'à la reine belge Astrid, décédée dans un accident de voiture en 1935.

A dire vrai je craignais le pire en lisant la préface, pompeuse à souhait et fleurant bon le regret du temps ancien quand la monarchie régnait sur la France. Heureusement, le point fort de ce livre est pour le coup qu'il a été écrit par plusieurs auteurs et non pas par un seul. Du coup, si le style varie d'un récit à l'autre, tout du moins n'a-t-on pas cette impression désagréable que certains chapitres ont été bâclés, l'historien maîtrisant moins certains sujets que d'autres. De façon générale, Les derniers jours des reines se lit sans déplaisir, tous ses contributeurs ayant plutôt une jolie plume. Quant au contenu, si certaines reines sont plus "intéressantes" que d'autres, j'avoue pour ma part avoir été séduite par le portrait de reines un peu moins connues : Charlotte de Belgique, brève impératrice du Mexique et consumée par la folie pour avoir trop souhaité le pouvoir, ou encore Draga Obernovic, la reine de Serbie, haïe de son peuple et qui finira fusillée, éventrée et défenestrée lors d'un coup d'Etat. Et si certains portraits sont un peu trop lisses à mon goût, j'ai apprécié des analyses plus fines comme celle que fait Pascal Dayez-Burgeon sur la mort de la reine Astrid : sans mépriser son sujet, il prend un peu de hauteur pour s'interroger sur les raisons qui ont fait de cette jeune reine un symbole pour le monde entier.

Amis des histoires à la Stéphane Bern et des anecdotes sur les souverains, ce livre est pour vous. Les autres... et bien on parlera du dernier livre de Adler-Olsen la prochaine fois, promis.

Partager cet article
Repost0
18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 19:44

L05.jpgLe fin mot de l'histoire

Thomas Snégarof

éditions Tallandier

2015

 

Pour le coup on va faire court sur ce livre car il n'y a pas grand-chose à en dire. Le fin mot de l'histoire est un ouvrage qui recense les derniers mots qui auraient été dits par des célébrités : Maria Callas, Marie Curie, Hitler, Jean Jaurès... Outre que ce genre de littérature pseudo-historique fleurit dans les librairies depuis quelques années et commence sérieusement à m'agacer, je suis aussi un peu soûlée par ces d'auteurs qui sont avant tout des journalistes et se contentent de compiler leurs chroniques matinales en se foulant tout au plus d'une préface. C'est l'histoire paresseuse pour gens pressés, ça n'apprend rien et le style est sans intérêt. La thématique est également à oublier car les derniers mots des célébrités n'ont pas franchement lieu d'être gravés dans le marbre, à l'exception peut-être de l'émouvante déclaration de l'archiduc François Ferdinand ou de deux trois autres répliques dont je ne me souviens plus. Mon dernier mot avant de refermer ce livre sera donc : "Oubliez-le".

Partager cet article
Repost0
14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 11:13

L01.jpgCe que l'argent ne saurait acheter

Michael J. Sandel

éditions Points

2012

 

Dans Le cygne noir, Taleb, un économiste, fait remarquer que, de même que la météorologie, l'économie est une "science" inexacte, fragile et soumise à tellement de facteurs qu'il est difficile de faire des projections à long terme. Pourtant, de plus en plus d'économistes vous expliquent doctement ce qu'il faut faire durant les trente prochaines années et s'érigent en gardien d'une nouvelle religion libérale que pour ma part je trouve à vomir. Dans ce nouveau monde, tout se vend et s'achète, régi par la sacro-sainte loi du marché. Mais peut-on tout acheter ? C'est une question que se pose Michael J.Sandel, un économiste américain, dans son livre Ce que l'argent ne saurait acheter. La réponse nous semble évidente : non, nous ne pouvons pas tout acheter.. et pourtant...S'appuyant sur de nombreux exemples, Sandel nous démontre que peu de domaines échappent désormais à l'argent, depuis la pratique des tribunes réservés lors des matchs de baseball aux plus nantis, jusqu'à la revente d'organes ou aux gens qui se font tatouer des publicités sur eux pour gagner de l'argent. Tout est-il donc monnayable ? Non nous répond Sandel qui estime que l'argent ne peut se substituer aux devoirs civiques, au respect de soi ou à celui des autres, pas plus que le marché ne peut spéculer sur la mort d'autrui..

L'ouvrage est vraiment passionnant car il pointe du doigt plusieurs pratiques actuelles qui nous semblent plus ou moins "graves" et qui pourtant relèvent de la même problématique. Ainsi nous serons tous d'accord pour trouver affreuse l'histoire de ces employeurs américains qui prennent une assurance-vie sur le dos de leurs employés pour toucher des primes à leur mort, mais nous ne verrons pas forcément le mal de la revente de billets. Sandel invoque deux principes : celui de l'égalité : même si la liberté de chacun des partis est en apparence sauvegardée, le procédé encourage le clivage riches/pauvres (les plus riches sont privilégiés même lors d'événements populaires comme un match) et contraint les plus démunis à monnayer des choses qu'ils n'auraient pas forcément cédé, sang, organes, voire même enfants (une association proposait aux femmes toxicomanes de se faire stériliser contre de l'argent, un autre mouvement proposait de réguler l'adoption par le biais des marchés). Le second principe est celui de corruption : dès lors qu'on fait entrer l'argent dans la danse, cela risque de pervertir l'échange: imaginez offrir de l'argent à votre moitié au lieu d'un cadeau pour votre anniversaire de mariage, combien coûte votre amour ? Une école américaine proposait cinq dollars aux enfants à chaque fois qu'il lisait un livre ; on peut y voir un effort louable pour inciter les enfants à la lecture mais cela se révèle surtout pervers, la lecture étant assimilée à une corvée. Au Royaume-Unis, le don du sang peut être rémunéré : là encore ce qui devrait être un acte citoyen est assimilé à une source de revenus. Faut-il envisager un monde où tout se vend ? Un monde où le citoyen serait payé pour aller voter ou même prendre soin de sa santé ? Non répond l'auteur qui démontre par plusieurs autres exemples que le système ne marche pas, citant entre autres ce village de Suisse où des habitants, favorable à l'enfouissement de déchets nucléaires près de chez eux pour le bien commun, ont refusé lorsqu'on leur a proposé de les payer. Il cite également cette crèche israélienne qui faisait payer les parents en retard pour venir chercher leurs enfants. La pratique, perçue par les responsables comme une amende, a été perçue par les parents comme une permission, entraînant de mauvaises habitudes.

Ce que l'argent ne saurait acheter pourrait être un ouvrage moralisateur et certains le percevront comme tel. Pour ma part, je l'ai trouvé brillant et très instructif. Il ne s'agit pas de détruire l'idée de marché dans son ensemble mais de garder l'idée que notre vie ne peut se fonder sur le commerce ou l'argent, sous peine de créer une société où l'idée même de don, de service ou d'acte citoyen aura complétement disparu ne laissant place qu'à cette question qu'on entend déjà trop souvent : "Combien?"

Partager cet article
Repost0
13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 11:36

L02.jpgPhobos 2

Victor Dixen

éditions Robert Laffont

2015

 

Retour à la série de Dixen : ceux qui n'ont pas lu le premier tome et qui désirent le faire sont priés de passer leur chemin pour ne pas se faire spoiler, merci !

Léonor et ses compagnons envoyés sur Mars par une émission de télé-réalité ont appris la terrible vérité : ils ont été manipulés et sont condamnés à court terme car les habitats sur la planète rouge semblent défectueux. Il leur reste deux alternatives : révéler la vérité au monde entier et faire demi-tour avec l'unique perspective de mourir de faim sur le chemin, ou descendre malgré tout sur Mars comme si de rien n'était en jouant le jeu de la production et de sa dirigeante Serena Mc Bee avec le faible espoir de trouver ce qui a causé la "panne" des installations...

On va commencer par le pire dans ce roman et ce sont incontestablement les dialogues. Non seulement tout le monde s'exprime pareil, que ce soit Serena Mc Bee, sa fille ou la serveuse au fin fond de la vallée de la Mort mais les dialogues sont ampoulés et artificiels au possible. Je soupçonne l'auteur de les relire à voix haute et de rajouter quelques adjectifs pour que ça rende mieux. Résultat, ce n'est absolument pas crédible, tout comme n'est pas crédible le manichéisme des personnages. En effet, si les candidats de Mars nous apparaissent plutôt bien travaillés, avec chacun leur part d'ombre et de lumière, Serena Mc Bee et ses comparses pourraient être des méchants de Disney tant ils sont diaboliques alors qu'à l'inverse, Harmony et Andrew font figure de jeunes premiers. Pour ma part, je crois que j'aurais préféré un ouvrage centré uniquement sur Léonor et son groupe : d'une part, cela aurait donné au roman un aspect huis-clos intéressant, d'autre part, cela aurait permis de donner à Serena Mc Bee une auréole de mystère qui lui fait complètement défaut.

Malgré ces sérieux handicaps, Phobos 2, tout comme le premier tome, se laisse très facilement lire. L'intrigue pour le coup est bien menée, Dixen prenant soin de ménager des coups de théâtre là où on ne les attendait pas (l'atterrissage, la tempête, etc.) et dosant soigneusement tout au long de l'ouvrage un certain suspens qui atteint son apothéose dans un final décoiffant, donnant envie au lecteur d'aller lire la suite. Le livre laisse donc un sentiment mitigé. Je lirai bien entendu la suite mais j'espère de tout coeur que l'éditeur se montrera plus rigoureux avec son auteur car c'est plus que dommage de voir une bonne histoire bien menée gâchée par un style plus que léger.

Partager cet article
Repost0
7 janvier 2016 4 07 /01 /janvier /2016 18:44

L03.jpgMémoires d'outre-tombe

Chateaubriand

éditions Livre de Poche (4 tomes)

1841

 

Oui, je sais, ça fait très longtemps que nous ne nous sommes pas vus : la faute à mon dernier 1001 livres... : Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand. Non non ne partez pas! Je viens de passer deux mois sur ce bouquin de trois milles pages, vous pouvez faire l'effort de lire ma note jusqu'au bout hein.

Que dire ? A la base, Mémoires d'outre-tombe était prévu pour une publication à titre posthume, l'auteur souhaitant ainsi faire de son oeuvre une sorte de testament littéraire. Malheureusement, des difficultés financières l'ont conduit à autoriser des publications de son vivant. D'où un ouvrage manié et remanié, avec des rajouts, des suppressions et des appendices qui font à eux seuls le tiers du livre. Ces mémoires ont pour ambition de retracer la vie de Chateaubriand, noble désargenté à une époque où il ne fait plus bon être noble; la révolution française est entamée le monde est en plein bouleversement. A travers son récit, c'est tout un pan de notre histoire que l'auteur a l'ambition de retracer : la fin de la royauté, la Révolution, la Terreur, l'Empire, la Restauration, la monarchie de Juillet.... Héritier inavoué de Rousseau et de ses Confessions, Chateaubriand livre un récit foisonnant, tantôt récit de voyage, tantôt essai historique, tantôt vaudeville, tantôt méditations... Il multiplie personnages et références littéraires et nous fait pénétrer au coeur du début du 18e siècle.

Je ne vais pas vous faire une analyse des Mémoires d'outre-tombe : d'autres font ça très bien et je mentirais en disant que j'ai été subjuguée par Chateaubriand. La vérité c'est que j'ai eu parfois du mal avec son style ampoulé et ses discours larmoyants. Plus "hypocrite" que Rousseau, Chateaubriand omet dans ses mémoires tout ce qu'il pourrait y avoir de graveleux ou de trivial dans sa vie ou celle de son entourage : il passe sous silence un mariage qui ne semble guère avoir été heureux et tait ses nombreuses liaisons...Plus généralement, il a soin de faire de ses mémoires une tragédie en omettant toutes les parties bouffonnes. Pourquoi pas ? C'est un parti pris et un parti pris assumé : Chateaubriand se voulait historien, homme de lettres, homme politique, homme grave témoin d'une époque agonisante. Lui-même se décrit comme un homme du passé et son écriture est empreinte d'une perpétuelle mélancolie. Dès le premier tome, il nous raconte comment il aspire à la mort. Ennemi du vulgaire, il le traque et le méprise, si bien que le style est toujours maîtrisé et ne laisse au fond pas transparaître grand-chose de ce qu'était vraiment l'auteur. Le véritable Chateaubriand se laisse voir ça et là dans quelques courriers, quelques témoignages mais globalement reste un mystère. Entêté, il s'obstine par honneur à défendre la cause de la monarchie légitime alors qu'il n'y croit pas, il admire Napoléon tout en le détestant et défend la liberté de la presse tout en la déplorant. Il y a quelque chose d'héroïque dans cet homme qui, au milieu des opportunistes politiques, reste inébranlable, croyant convaincu mais désabusé, persuadé que le monde change et qu'il ne pourra pas y faire grand-chose mais qui essaie tout de même. A travers ses mémoires, le personnage agace par la haute opinion qu'il a de lui-même, attendrit par son histoire et ses aveux de faiblesses, mais laisse rarement indifférent. A la fois témoin et acteur d'un siècle qui se découvre, Chateaubriand nous livre un matériau historique et littéraire inestimable. Et, bien que j'avoue avoir eu bien du mal certains soirs à ouvrir son livre, après deux mois avec lui, me voilà un peu mélancolique à mon tour à l'idée de refermer la tombe d'un homme pas tout à fait comme les autres.

Partager cet article
Repost0
13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 13:49

L04.jpgLe château de Cassandra

Dodie Smith

éditions Gallimard Jeunesse

1949

 

Oui oui vous avez bien lu la première date de parution : il s'agit du premier livre de Dodie Smith, plus connue pour son ouvrage suivant, Les 101 dalmatiens, et qui propose ici un texte plutôt déconcertant.

Le château de Cassandra c'est l'histoire de Cassandra, une jeune fille anglaise de dix-sept ans dont la famille est pour le moins excentrique. Son père, auteur d'un seul roman, semble avoir perdu l'inspiration depuis qu'il est allé en prison pour avoir frappé sa femme avec un rouleau à pâtisserie. La belle-mère, Topaze, épousée lors "d'un des accès de sociabilité" du père pose comme modèle à Londres et communie avec la nature en se promenant nue dans la campagne environnante. Rose, l'aînée des filles, ne rêve que d'un riche mariage qui la ferait sortir de la pauvreté et de la monotonie de leurs existences. A l'inverse, le petit frère Thomas, étudiant paisible, ne semble se préoccuper que de pouvoir poursuivre ses cours. Cassandra, elle, écrit son journal intime les pieds dans l'évier den la cuisine et rêve d'un destin semblable à celui des héroïnes de Jane Austen ou des soeurs Bronté. Tout ce beau monde vit dans un château délabré, sans meubles, sans électricité et sans le sou, le seul qui subvient aux besoins de la famille étant le serviteur Stephen, un beau garçon à "l'air un peu idiot", amoureux transi de Cassandra. Tout change le jour où s'installent dans le manoir voisin deux beaux et riches frères américains...
Cela aurait pu être le pitch d'un roman de Jane Austen et cela commençait comme tel : deux soeurs pauvres, deux frères riches, un château romantique, une narratrice romanesque... et en fait, cela n'est pas du tout ça : Le château de Cassandra est beaucoup plus cynique et beaucoup plus réaliste. Si l'héroïne s'appelle Cassandra, comme la soeur de Jane Austen et tout comme elle restée vieille fille, ce n'est pas pour rien : c'est pour rappeler que dans la réalité, tout ne finit pas bien, que l'amour n'est pas forcément réciproque et que tous les mots n'y changeront rien. Cassandra a beau être une narratrice extraordinaire, elle ne parvient pas pour autant à faire de sa vie un roman anglais du XIXe siècle et à tout arranger par des mariages et des fins heureuses. Sa vision romanesque et ses idéaux se heurtent en effet à la frivolité de sa soeur, à un quotidien trivial et à ses propres sentiments. Ainsi, la narration prend un tour inattendu dès la moitié du roman et, malgré la légèreté de l'écriture, se teinte d'une certaine mélancolie. Cassandra prend l'allure d'un petit clown triste, dépassée par des événements et des situations qu'elle ne maîtrise pas. Le château de Cassandra réussit donc l'exploit d'être à la fois drôle et tragique et de mettre en scène des personnages plus complexes qu'il n'y paraît, que ce soit le gentil Stephen ou l'énigmatique Neil. Classé en jeunesse et destiné à un lectorat d'adolescentes, le livre est paradoxalement délicat à conseiller. Nonobstant certaines longueurs, quels parents auraient envie d'acheter à leurs enfants un roman qui leur apprend que la vie n'est pas un conte de fées ?

Partager cet article
Repost0
6 décembre 2015 7 06 /12 /décembre /2015 19:39

La Passe-Miroir

t.1 Les fiancés de l'hiver

t.2 Les disparus du Clairdelune

Christelle Dabos

éditions Gallimard Jeunesse

2013 et 2015

 

Je viens de passer une semaine de lecture très agréable.

Tout a commencé lorsque j'ai reçu par courrier Les disparus de Clairdelune, deuxième tome d'une série pour ados : La passe-miroir. Commencer par un deuxième volume c'est un peu idiot alors j'ai acheté Les fiancés de l'hiver, le premier volume, un ouvrage que j'avais déjà remarqué parce qu'il se vendait régulièrement, qu'il avait une jolie couverture, et aussi parce qu'il prenait une place folle dans le rayon.

En moins d'une semaine les deux livres de près de 500 pages avaient été lus.

L'histoire est celle d'Ophélie, une jeune fille qui vit sur l'Arche d'Anima, un monde dirigé par une ancêtre immortelle et sur lequel les gens ont le pouvoir de faire s'animer les objets. Ophélie elle-même a deux autres dons, plus rares, celui de traverser les miroirs et celui  de lire le passé des objets. Mais c'est aussi une jeune fille entêtée sous ses dehors paisibles qui a déjà refusé des demandes en mariage de quelques cousins. Aussi n'a-t-elle pas le choix lorsqu'on lui arrange des fiançailles avec Thorn, un étranger vivant sur la lointaine arche du Pôle. Contrainte de quitter sa famille pour rejoindre son promis dans un pays où l'hiver règne éternellement, Ophélie ne tarde pas à se rendre compte que cette alliance diplomatique cache bien plus qu'elle ne le soupçonnait et atterrit dans un nid de serpents.

Que dire? Le résumé ne rend pas justice au début de cette saga. A dire vrai, je suis même un peu jalouse de l'écriture de l'auteur. Les personnages, tous plus complexes les uns que les autres, que ce soit Ophélie, Thorn le psychorigide, Archibald le charmant libertin, l'énigmatique Bérénilde ou même la tante Roseline, sont attachants chacun à leur manière. L'intrigue est menée de main de maître, ménageant à la fois le suspens tout en avançant cependant assez pour ne pas lasser le lecteur. La plus grande réussite de Christelle Dabos réside cependant dans sa maîtrise des descriptions et sa création d'un univers complet qui nous fait pénétrer au coeur même de la Citacielle avec ses artifices et ses chausses-trappes. L'auteur, contrairement à bon nombre d'auteurs pour ados aujourd'hui, ne cherche pas à créer un univers s'adaptant à son lectorat. De fait, La Passe-miroir n'a rien d'artificiel avec les recettes habituelles du genre et fait preuve d'une grande originalité, rehaussée comme je l'ai déjà souligné par un fluidité et une poésie d'écriture sans égal. Rien n'est parfait je le reconnais, et il y a bien ça et là quelques petits accrocs dans le fil du récit, des descriptions inachevés, maladroites , essentiellement d'ailleurs dans le premier tome. Mais c'est tellement insignifiant que je ne peux que recommander cette série qui est pour moi une très belle découverte.

Partager cet article
Repost0
1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 10:43

L02.jpgEloge de la gentillesse en entreprise

Emmanuel Jaffelin

éditions First

2015

 

La gentillesse a mauvaise presse : "Elle est gentille" signifie souvent pour beaucoup d'entre nous : "Elle est cruche". A quoi peut bien rimer la gentillesse dans un monde cynique à souhait ? Pourtant pour Emmanuel Jaffelin, c'est une qualité rare, à prendre dans son sens noble, celui dont découle également le mot "gentilhomme". Pour cet agrégé en philosophie, être gentil est une vertu à cultiver. Aussi, après y avoir déjà consacré un ouvrage, Petit éloge de la gentillesse, il revient sur le sujet en s'intéressant cette fois à ses applications dans le monde impitoyable de l'entreprise. Son discours tient en deux temps : dans une première partie, il montre comment notre entreprise actuelle est devenue inhumaine, uniquement centrée sur le profit et s'inspirant du management à l'américaine : or, l'auteur le rappelle, l'entreprise américaine n'a rien d'un modèle puisqu'elle génère plus de pauvreté qu'en France. La seconde partie est consacrée à la façon dont il est possible de sortir du carcan que représente le monde actuel du travail pour en faire un lieu où la gentillesse règne : il souligne le rôle prédominant du manager qui doit cultiver cette qualité qui consiste à être dans la juste relation avec son employé, respectueux sans être froid, amical sans être intrusif. Son rôle est primordial car il a une fonction d'exemplarité.

A dire vrai, ce livre ne m'a que médiocrement inspirée: Emmanuel Jaffelin se répète énormément et semble se plaire dans des digressions qui n'ont pas franchement de rapport avec le sujet (c'est le principe des digressions vous me direz) Cependant, le fond reste intéressant car il pointe les dangers d'un management déshumanisé et d'une société où la compétition a pris le pas sur la collaboration. Contrairement à ce que beaucoup semblent penser aujourd'hui, nous ne vivons pas dans un monde régi par la loi du plus fort, et il est toujours rafraîchissant de constater que des auteurs pensent qu'on peut réussir en se mettant au service des autres et non en les écrasant.

Partager cet article
Repost0