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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 15:11

L03.jpg1Q84

(livres1 et 2)

Haruki Murakami

éditions Belfond

2009

 

 

Nous sommes au Japon, en 1984. Une jeune femme, Anomamé, engagée par une vieille dame, tue des époux violents en faisant passer leurs morts pour accidentelles. Pendant ce temps, Tengo, un modeste professeur de maths, écrivain à ses heures perdues, accepte de réécrire le roman prometteur d'une jeune fille de dix-sept ans. Tous deux ne semblent avoir rien en commun si ce n'est leur extrême solitude, pourtant ils sont liés. Leur destin les entraînent dans une direction inconnue et, tandis qu'ils glissent dans un monde parallèle, le monde de 1Q84, monde des Little People et des deux lunes, leur passé commun resurgit...

A dire vrai, 1Q84 a été une petite déception. Si Murakami a parfois flirté avec le fantastique et le merveilleux, il l'a toujours fait avec une certaine finesse et beaucoup de naturel. Or, 1Q84 est un roman lourd. Nous ne sommes plus dans la suggestion mais dans la démonstration. L'auteur s'emploie à plusieurs reprises à souligner l'insolite et le surnaturel de l'histoire et donne au récit un côté artificiel que ses précédents romans n'avaient pas. L'intrigue en elle-même n'est pas forcément des plus intéressantes, diluée dans deux tomes (le troisième sortira en France en 2012) et très orientée SF. J'ajoute à cela que je ne suis pas non plus fan des termes anglo-saxons qui émaillent le roman, lui donnant l'allure d'un mauvais film d'action américain, tout comme d'ailleurs Aomamé, figure justicière d'une féminité bafouée. Bref, à de nombreuses reprises, je me suis demandée comment diable un auteur que j'aime beaucoup d'habitude a pu se lancer dans une entreprise pareille. Bon, il faut relativiser: c'est du Murakami tout de même et le style est toujours là. De plus, 1Q84 réserve de très jolies scènes: les scènes où Aomamé contemple les deux lunes, celles où Tengo se remémore l'histoire du jeune homme et de la ville aux chats... ce sont dans ces passages clair-obscurs (description d'un jardin d'enfants au clair de lune, ville endormie, souvenirs en noir et blanc du passé des deux héros, rêves...) que l'auteur réaffirme avec force son talent pour un univers poétique et onirique dont, à mon humble avis, il ne devrait pas sortir. Reconnaissons-le: 1Q84 est une entreprise audacieuse, le désir d'un auteur de prouver qu'il peut se renouveler mais, pour ma part, en attendant de lire le dernier volet, c'est un roman en demi-teinte loin d'atteindre le niveau des précédents romans de Murakami.

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27 octobre 2011 4 27 /10 /octobre /2011 18:54

L08.jpgAnton Reiser

Karl Philipp Moritz

éditions Fayard

(1785)

 

 

Il m'a fallu du temps pour me remettre de la lecture des 120 jours de Sodome mais ça y est, me revoilà prête à vous parler de nouveau des 1001 livres qu'il faut avoir lus dans sa vie. Passons de la sulfureuse France du 18e siècle à la passionnée Allemagne...Pas sûre qu'on y gagne au change.

Anton Reiser, oeuvre parue pour la première fois en 1785, met en scène Anton, un jeune homme de condition modeste élevé dans une piété austère. Le garçon est intelligent mais émotionnellement  instable. Promis à une situation peu enviable, il attire l'attention de riches protecteurs grâce à son esprit et peut entamer des études. Mais sa pauvreté et sa dépendance vis-à-vis des puissants empoisonnent son existence. Tiraillé entre des sentiments contradictoires, une passion du romanesque et du théâtre, sa timidité et son orgueil, Anton se bat contre tous les obstacles, réels ou imaginaires, humiliations et railleries, et échoue finalement à trouver ce qu'il cherchait: le bonheur.

Très largement inspiré par l'expérience de son auteur, le malheureux Karl Philipp Moritz, contemporain et ami de Goethe, Anton Reiser doit beaucoup à Rousseau et à ses Confessions au niveau du style et du sujet. Il s'agit pour l'auteur de présenter au mieux un héros, ses forces et ses faiblesses et de le décrire dans toute sa vérité. Anton est un personnage de ce fait qui paraît terriblement humain puisqu'il nous est présenté sans fard: prétentieux mais intelligent, sensible mais fier et surtout... très jeune. Anton rêve de liberté et d'aventures mais doit vivre de la charité des autres. Il aimerait être un grand et se retrouve sans cesse rabaissé... La psychologie du héros est très bien rendue et certains passages sont particulièrement intéressants car, tout comme ceux de Rousseau, ils mettent en situation certaines scènes et certains sentiments qui sont rendus avec une telle exactitude que l'auteur semble les avoir vécus lui-même.

Mais après... et bien c'est très inégal et c'est long. Quelques pointes de poésie ou de justesse ne peuvent racheter un roman qui se perd dans les états d'âme de son héros et qui fait traîner une intrigue... euh quelle intrigue d'ailleurs? N'est pas Rousseau ou Goethe qui veut et le pauvre Moritz, guère plus vieux que son personnage (il n'aura pas la chance de mûrir d'ailleurs puisqu'il mourra avant ses quarante ans) échoue à donner vie à un récit bâtard, hésitant entre romantisme et psychologie. Le lecteur peut être intéressé, il n'est pas touché par les mésaventures de Anton, à moitié poète et comédien, à moitié génie et à moitié homme de rien, héros inabouti qui voulait toucher les étoiles et qui s'est retrouvé à terre... 

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 12:53

L04.jpgLe héron de Guernica

Antoine Choplin

éditions Le Rouergue

2011

 

Nous sommes à Guernica, en avril 1937, en pleine guerre civile espagnole. Même si son coeur est pour les républicains, Basilio, jeune homme un peu rêveur, se tient légèrement en retrait du conflit, préférant, lors de ses heures de liberté, peindre des hérons dans la rivière. Avec son pinceau, il tente de saisir toute la majesté de l'oiseau et la beauté de l'instant. Ce matin-là il est tout particulièrement appliqué car il a promis de donner à Célestina, la jeune fille qu'il aime, le dessin du héron. Mais ce matin-là ne ressemble pas aux autres: des avions sillonnent la ville et bientôt cette dernière est réduite en cendres par les bombes. Basilio, en une journée, voit sa vie d'avant voler en éclats et prend conscience de l'absurdité humaine. Le héron qu'il reviendra peindre au soir ne sera pas le même que celui du matin...

Ce livre avait tout pour me faire fuir puisqu'il traitait à la fois d'une période de l'histoire que je connais très mal et de peinture, un sujet qui ne me passionne pas plus que ça. Pourtant, Le héron de Guernica m'a beaucoup touchée et fait pour l'instant partie de mes coups de coeur de la rentrée littéraire. L'écriture par petites touches mime avec précision le pinceau que  Basilio appose sur sa toile. Antoine Choplin parvient  à saisir tous les contrastes entre la ville de Guernica, lieu de bruit et de violence, et la rivière, lieu de silence. Tous deux pourtant ont un point commun: la mort est au bout du parcours et la rivière, sous ses apparences paisibles n'offre pas plus de sécurité que la ville. Le héron de Guernica est un roman qui s'interdit tout jugement, privilégiant une description qui devient parfois quasi-clinique; les caractères sont esquissés, les sentiments devinés...Ce genre de style s'il n'est pas maîtrisé peut parfois prendre une certaine lourdeur mais ce n'est pas le cas ici: le style est tout en élégance et tout en finesse et, sans en rajouter dans le larmoyant (le sujet du livre suffit), donne au récit une rare émotion. Que dire, c'est élégant, c'est triste et beau à la fois (la description de la rivière et du héron est magnifique) et ça pointe tout ce qu'il y a d'absurde et de sublime dans la condition humaine. Pour résumer, c'est du grand art.

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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 13:57

L09.jpgLe trône de fer l'intégrale t.1

(volumes 1 et 2)

George R.R Martin

éditions J'ai Lu

(1996)

 

 

"Winter is coming"  c'est la devise de la famille Stark, les seigneurs du Nord. Eddard Stark (dit Ned) règne sur des terres glaciales, coulant des jours paisibles avec son épouse Catelyn et ses six enfants. Mais pour combien de temps? Après la mort de son conseiller, le roi Robert (dit "l'usurpateur") vient en personne prier Ned de remplacer ce dernier. Quittant sa demeure, Ned se retrouve dès lors confronté à une Cour pleine d'intrigues et de trahisons, et doit gérer les humeurs d'un roi alcoolique et d'une reine dévorée d'ambition. Mais si le danger ne venait que de là... Par delà les mers, les héritiers de la couronne, chassés jadis par Robert, préparent leur retour et, de l'autre côté du Mur, territoire des sauvageons et des créatures de légendes, les morts reviennent à la vie. Oui, pas de doute, l'hiver approche...

Honte à moi, je n'aurais peut-être jamais commencé le cycle du Trône de fer si mon entourage ne m'avait pas tannée pour que j'en regarde l'adaptation (mais si vous savez, celle avec le beau Sean Bean) et j'ai commencé l'oeuvre de Martin uniquement pour pouvoir regarder par la suite la série télévisée (très bien au demeurant). Je ne regrette rien. ça faisait très longtemps que je n'avais pas veillé aussi tard pour un roman. Dans la même veine que la trilogie Un Monde sans dieux (qui du coup me paraît presque fade à côté) Le trône de fer (du moins les deux premiers tomes) est une saga qui, tout en usant des canons de la fantasy (univers médiéval, éléments surnaturels, créatures mythiques et légendes oubliées) se les réapproprie de façon magistrale pour nous faire oublier les coutures du genre. La force de l'histoire réside également dans une intrigue à plusieurs niveaux renforcée par une narration alternée qui se penche tour à tour sur huit des protagonistes: Ned bien entendu, mais aussi sa femme, deux de ses fils, ses deux filles, le nain Tyrion, frère de la reine, et Daenerys, l'héritière légitime au trône exilée au-delà des mers. Encore une fois, rien de révolutionnaire mais cela donne au récit un bon rythme et permet ainsi d'étoffer les différents personnages, également l'une des grandes forces de l'histoire, attachants chacun à leur manière. Vous le comprendrez, mon seul regret est de n'avoir emprunté que le premier volume de l'intégrale de la série et, du coup, je ronge mon frein en attendant de pouvoir lire la suite. Il reste encore trois volumes comme ça je crois (soit six tomes)  J'espère pour vous que vous aimez la fantasy parce que sinon, pour vous, sur ce blog, l'hiver risque d'être long...

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 10:35

L06.jpgTout, tout de suite

Morgan Sportès

éditions Fayard

2011

 

On continue dans la rentrée littéraire avec un ouvrage qui n'a rien de franchement mignon. "Vous qui entrez ici, laissez toute espérance. Ce livre est une autopsie: celle de nos sociétés saisies par la barbarie." Voici ce que vous lisez sur la quatrième de couverture du nouveau livre de Morgan Sportès Tout, tout de suite qui réinterprète à sa sauce l'affaire du "Gang des Barbares". En 2006, un jeune juif est retrouvé mourant près d'une voie ferrée après trois semaines de séquestration et de tortures. Il décédera dans l'ambulance. Plus d'une vingtaine de personnes ont été impliquées dans cette affaire à des degrés divers, de toutes confessions et de toutes origines. Si le motif de l'enlèvement du jeune homme était clairement crapuleux (le jeune homme aurait été enlevé parce qu'il était juif, donc forcément riche logique d'ailleurs pour le moins stupide) les motivations antisémites ont été clairement soulevées sans pour autant être établies. Crime crapuleux, crime haineux? Morgan Sportès s'empare des faits et se livre à ses propres interprétations en reconstituant à sa manière toute l'histoire. La démarche peut paraître un peu gênante dans la mesure où l'auteur dénonce des gens qui ont perdu toute notion entre réel et irréel et agissent comme s'ils étaient dans un film. Zelda, "l'appât", se prend pour une vedette, les ravisseurs cherchent un moment du "faux sang" pour faire comme s'ils avaient battu Elie, la victime, histoire de ne pas le battre pour de vrai...Or, que fait Sportès sinon en faire des personnages, travestir leurs noms et passer tout au filtre de l'écriture? Ce point me chiffonne.

Ceci dit, sorti de ça, je me dois de saluer une performance littéraire remarquable. Loin d'adopter un manichéisme bon teint, Morgan Sportès se livre à une réelle autopsie des faits et des personnages en s'interdisant lui-même tout jugement de valeur. Les faits sont assez horribles et parlent d'eux-même à quoi bon en rajouter? Les réflexions "morales" sont celles des propres acteurs du drame sous forme de citations ou de comptes-rendus de procès, elles sont très rarement celles du narrateur. Sportès reste dans le "concret": âge et confession des différents protagonistes, caractéristiques physiques, habitudes de vie, énoncé des faits... Le résultat est glaçant car au final le lecteur est placé dans le rôle du juge: "voilà comment ça s'est passé, semble dire l'auteur, voilà ce que ces gens ont fait, à vous de décider s'ils étaient coupables ou non et à quel degré." Au demeurant, nous voilà confrontés à une histoire qui donne la nausée; des gens qui en toute bonne foi, pas forcément très méchants d'ailleurs, décident sans aucun scrupule, sans même paraître réaliser la gravité de leur geste, d'enlever et de torturer un jeune homme qui ne leur avait rien fait, tout ça pour de l'argent. Et pourquoi pas après tout? Il y a bien des émissions de télé-réalité où l'on voit des gens prêts à tout pour le même objectif. Je serais bien en peine de déterminer si l'affaire du Gang des Barbares relève de l'antisémitisme; en revanche, je suis pleinement d'accord avec le terme de barbares.

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3 octobre 2011 1 03 /10 /octobre /2011 10:52

L05.jpgLa délicatesse

David Foenkinos

éditions Gallimard

2009

 

 

Nathalie rencontre François un jour par hasard dans la rue. François, troublé, l'accoste et l'invite à boire un verre. Nathalie accepte. Ils tombent amoureux l'un de l'autre, s'installent ensemble et finissent par se marier. Un bonheur sans nuages troublé sept ans plus tard par la mort brutale de François, écrasé alors qu'il faisait son jogging. Restée seule, Nathalie s'enfonce dans sa mélancolie, repousse les avances de Charles et des hommes en général jusqu'au jour où, prise d'une impulsion subite, elle embrasse Markus son collègue...

Me voilà bien ennuyée car je n'ai pas grand-chose à vous dire sur ce livre, couronné comme l'annonce pompeusement la couverture de "dix prix littéraires". Pour dire les choses franchement, je n'ai vu dans La délicatesse qu'une bluette sans grand intérêt. L'écriture est tout à fait convenable et j'ai trouvé plutôt original cette façon de décrire sans y toucher, avec la plus grand délicatesse justement, des situations qui n'ont pour moi absolument rien de délicates: l'amour, la mort, la jalousie... Le narrateur prend une extrême distance avec ses personnages qui restent dès lors très éthérés. Il est difficile de ressentir la moindre empathie pour eux: la mort de François ne suscite aucune émotion tout comme le chagrin de Nathalie. Tout reste très virtuel et c'est là qu'est le hic. Personnellement j'ai trouvé le personnage de Nathalie insupportable, sorte d'être irréel source de fascination pour les hommes mais sans la moindre profondeur, un être qui se laisse porter par le courant sans le moindre sursaut ni la moindre rébellion. Tout ce qu'elle fait c'est se laisser séduire tout au long du récit par l'un ou l'autre de ses prétendants. Markus et Charles (je ne parle pas de François qui, pour moi n'a d'autre intérêt que d'être un élément déclencheur) sont plus intéressants dans la mesure où ils savent se rebeller contre un destin qui ne leur convient pas, que ce soit peine perdue (Charles) ou au contraire couronnée de succès (Markus). A part ça, La délicatesse reste un roman poli, conventionnel, qui loin de déranger le lecteur, l'installe dans un séduisant matelas d'ouate où tout est aseptisé, même les sentiments les plus violents, un roman où l'amour coupable et démesuré est vite remis à sa place (le pauvre Charles, pour n'avoir pas su plaire à Nathalie, est exclu de la délicatesse) et où les amoureux courent nus à l'aube dans un jardin (bon j'exagère un peu, mais grosso modo c'est sur cette scène ridicule que s'achève La délicatesse) C'est gentillet, c'est sucré. Et à coup sûr, dans six mois j'aurais tout oublié d'un roman sentimental qui pour moi vaut à peine mieux que celui d'un Marc Levy.

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29 septembre 2011 4 29 /09 /septembre /2011 10:33

L01.jpgInstinct 2

Vincent Villeminot

éditions Nathan

2011

 

Il y a quelque temps je vous parlais d'Instinct, le premier volet d'une trilogie fantastique pour la jeunesse, roman qui m'avait par ailleurs beaucoup plu. Aujourd'hui, ça y, est la suite est enfin arrivée!

Après avoir survécu à l'attaque des "Chasseurs", Tim, Flora et Shariff, nos héros, ont de nouveau trouvé refuge auprès du professeur McIntyre à l'Institut de Lycanthropie. Malheureusement, cet asile devient très vite temporaire: suite aux événements récents, l'Institut est déchiré entre deux camps, ceux qui veulent apprendre à domestiquer leur nature animale et les autres, ceux qui veulent au contraire l'assumer et aller jusqu'au bout de leur instinct, aussi meurtrier soit-il. Le professeur McIntyre soupçonne un complot et une aide extérieure: il part affronter l'ennemi mais ne revient pas. Tim, Flora et Shariff, devenus indésirables au sein de l'Institut, décident alors de voler à son secours...

Si Instinct 2 me plaît légèrement moins que le premier (l'effet de surprise a disparu), je me dois de saluer un véritable travail d'écriture. En effet, alors que toute la première partie du récit pourrait être concentrée sur l'histoire d'amour compliquée entre les héros Tim et Flora et leurs "Je t'aime moi non plus", l'auteur prend le parti de l'orienter uniquement sur le conflit entre les membres de l'Intitut et sur la relation Sharif/fMcIntyre, faisant de la bluette sentimentale un élément secondaire. Stratégie risquée pour un roman adolescent, mais payante au demeurant, et assez réaliste: qu'est-ce qui est le plus important au final, une guerre interne ou Flora qui boude parce que Tim ne sait pas exprimer ses sentiments? Je vous rassure ceci dit, les parties suivantes leur sont de nouveau consacrées, mais c'est parce qu'elles mettent les personnages en action. Vous l'avez compris, Vincent Villeminot n'est pas un adepte des romans psychologiques, préférant à l'analyse des sentiments une intrigue menée tambour battant et des scènes d'action parfois un peu hachées, mais percutantes et qui font que le lecteur, une fois lancé, peine à lâcher le livre avant de l'avoir fini. J'apprécie. J'apprécie également le choix d'écarter Tim, le héros inconstesté du premier volume, et d'en faire un personnage un peu largué dont les interventions ne sont pas déterminantes. Tim tout au long d'Instinct 2 se cherche, prend de mauvaises décisions, et laisse la part belle à ses coéquipiers, la jolie Flora et surtout, notre stratège Shariff, le jeune garçon homard. Jolie façon de montrer que les prédateurs ne sont pas les plus efficaces et que les faibles peuvent tirer leur épingle du jeu! Si j'ai été un peu lassée par les trop nombreuses citations de Sun Tzu et autres stratèges (je ferai un mauvais général je le crains) je reste quand même sous le charme de Instinct 2 et je serai sur les rang quand sortira le troisième volume, prévu au printemps 2012...

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22 septembre 2011 4 22 /09 /septembre /2011 10:15

L06.jpgLes 120 jours de Sodome

Marquis de Sade

10/18

(1785)

 

Il existe peu de livres dont je ne sois pas venue à bout. Celui dont je vais vous parler aujourd'hui fait partie de ceux que j'ai failli abandonner en cours de route. Mais, cette fois, ce n'était pas par ennui; c'était par dégoût. Vous êtes prêts? l'écrivain du jour est le marquis de Sade.

C'est en 1785, alors emprisonné à la Bastille par sa famille pour des raisons qui n'avaient franchement rien de politique, que Sade entreprit la rédaction des 120 jours de Sodome. L'histoire se passe sous le règne de Louis XV: quatre libertins fortunés décident de se retirer dans un château coupé du monde avec leurs épouses, des petites filles et des petits garçons, des vieilles et des hommes sélectionnés pour leur anatomie avantageuse (j'essaie de tourner ça de façon élégante vous noterez) Là pendant 120 jours, les libertins mettent tout en commun et se livrent à des orgies sexuelles soigneusement réglementées: règles strictes au moment des soupers, roulement des épouses et des vieilles, dépucelage plannifié des petits garçons et des petites filles... Personne ne peut se soulager sans la permission des maîtres des lieux. Chaque soir, une "historienne" (une vieille maquerelle) conte à l'assemblée des pratiques sexuelles qu'elle a pu observer et que bien souvent nos libertins s'empressent de mettre immédiatement en pratique eux-mêmes. La première historienne pendant un mois se cantonne aux "150 passions simples" (des pratiques peu ragoûtantes mais au demeurant peu méchantes), la seconde le deuxième mois,  enchaîne sur les "150 passions doubles ou de seconde classe" (des pratiques déjà plus élaborées), la troisième est assignée aux "passions criminelles" (pratiques sexuelles souvent accompagnées de tortures) et la dernière termine par les "passions meurtrières"(pratiques qui débouchent sur la mort du cobaye) Lors de cette dernière phase, les libertins mettent eux-même en application ces pratiques en tuant la plupart de leurs compagnons. A la fin de l'aventure, sur les 46 personnes parties au château, seuls 16 reviendront à Paris.

C'est arithmétique, c'est glacial et c'est affreux. Pas la peine de m'accuser de pudibonderie, je ne vois sincèrement pas, à moins d'être un grand malade, quelle jouissance on peut ressentir en lisant des récits de tortures, d'incestes, de pédophilies, de zoophilies et de meurtres. Si Sade a donné son nom à l'adjectif "sadique", je comprends maintenant pleinement pourquoi. La première partie, la seule entièrement rédigée, les autres parties n'étant présentées que sous forme de plans, n'est pas la pire. Plus ennuyeuse qu'autre chose, elle présente surtout des jouissances sexuelles accompagnées de coprophagie (ah oui, c'est un thème réccurent dans Les 120 jours de Sodome) et si je vous déconseille sa lecture au matin après votre petit-déjeuner (j'ai testé pour vous) , elle n'a rien de très choquant. Les trois autres parties sont beaucoup plus difficiles et il y a quelque chose de profondément affreux dans cette narration mécanique et cette accumulation d'horreurs déversées froidement par un narrateur qui s'adresse parfois à lui-même en s'exhortant à ne rien oublier. C'est surtout là que réside l'intérêt du récit, dans ce style dépourvu de chaleur et de vie, qui peut peindre des personnages plein de bonté et de douceur et les faire périr l'instant d'après dans la plus parfaite indifférence, dans cet auteur qui renie Dieu comme un enfant qui pique une crise de colère en espérant de la sorte attirer l'attention. Mais le marquis de Sade ne se contente pas de mettre à bas la religion, il nie également toute idée de bonté ou de vertu. Pourquoi se fatiguer à être bienveillant envers les autres alors qu'il est si simple d'être mauvais? Pourquoi se préoccuper du bonheur d'autrui? Dans Les 120 jours de Sodome, les bons périssent, les mauvais survivent. La justice n'existe pas et c'est peut-être ça qui est le plus affreux. Je suis venue à bout du livre, je parviendrais sans doute à lire Justine mais qu'on ne s'attende pas à ce que je crie au génie devant un homme de toute évidence profondément perturbé et qui a surtout montré qu'en matière d'horreurs, l'imagination humaine n'avait pas de limites...

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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 19:03

L02.jpgDésolations

David Vann

éditions Gallmeister

(2011)

 

 

Il n'y a pas grand-chose à dire sur Gary et Irene. Ils ont vécu presque toute leur vie dans un petit coin de l'Alaska, ils ont élevé deux enfants, Mark et Rhoda et, aujourd'hui, retraités tous les deux, leur vie leur apparaît comme un échec. Elle, traumatisée par le suicide de sa mère, est persuadée que son époux l'a isolée de tous ses amis pour mieux l'abandonner par la suite, lui a le sentiment que sa femme l'a empêchée de devenir quelqu'un d'important et l'a condamnée à une vie étriquée. Désireux de trouver un sens à une existence vide, Gary décide de construire une cabane sur une île perdue, à l'image des pionniers d'autrefois. Irene l'aide malgré une migraine atroce qui ne la lâche pas, résolue à sauver un mariage qui prend l'eau de toutes parts. Leur fille Rhoda les observe, impuissante, rêvant pour elle-même d'un belle romance et d'un beau mariage, mais elle est engagée dans une sage relation avec Jim, un dentiste insipide, qui n'éprouve pour elle que de vagues sentiments tiédasses et qui ne semble guère disposée à lui demander sa main.

Soyez contents tous ceux qui m'accusent de ne lire que des romans d'amour, car aujourd'hui nous parlons d'un livre où personne ne s'aime. David Vann, l'auteur de Sukkwan Island (livre que je vous invite vivement à lire et dont vous trouverez la critique sur ce blog) met en scène des personnages foncièrement égocentriques et égoïstes qui, en dépit de leurs liens familiaux, ne semblent absolument pas se soucier les uns des autres et préfèrent s'apitoyer sur leur propre sort. Irene toute à ses migraines, aimerait que Gary s'occupe d'elle, Gary tout à sa cabane, aimerait que Irene l'aide à réaliser son rêve, Rhoda aimerait que Jim l'épouse, Jim aimerait vivre plusieurs relations sentimentales... En bref, chacun accuse mutuellement l'autre de gâcher sa vie sans jamais se remettre en question. Les personnages sont amers, durs, collant bien au décor du livre, le fin fond de l'Alaska, un décor plein de glace et de froid. En un mot, c'est glauque et il vous faudra un sacré moral pour résister à la lecture d'un roman qui décapite joyeusement toute notion de bienveillance ou de chaleur. Ceci dit, c'est très bien écrit. En revanche, j'ai moins apprécié Désolations que Sukkwann Island; contrairement au livre précédent de Vann, Désolations est beaucoup plus lent et, si le lecteur sent gros comme une maison la future tragédie (car nous savons que ce genre de romans ne finit jamais bien) il attend tellement qu'il peut finir par s'impatienter! Ceci dit, sans crier au chef-d'oeuvre, Désolations reste un récit de qualité: j'avoue avoir été touchée par le personnage de Rhoda, la seule qui, malgré sa vision étriquée, s'efforce de comprendre les siens et dont l'amour pour eux semble sincère. C'est un peu la seule touche de couleur dans un univers très sombre qui ne laisse guère de place à l'espoir. Que voulez-vous, l'hiver est bientôt là maintenant...

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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 16:07

L02.jpgIntuitions

t.2 Chaos

Rachel Ward

éditions Michel Lafon

2010

 

 

De nouveau, j'invite tous les lecteurs désireux de commencer la trilogie de Rachel Ward, Intuitions, à sauter cet article, car nous allons parler aujourd'hui du deuxième volet de la saga, Chaos.

Angleterre, 2026. Adam, fils de Jem, l'héroïne de Intuitions t.1, a, hérité de sa mère le pouvoir de voir flotter au-dessus de la tête des gens qu'ils croisent la date de leur mort. Un don que, contrairement à sa mère, il s'efforce de rationnaliser, en notant ces dates et en amassant un maximum d'informations sur les personnes à qui correspondent les numéros. Mais bientôt la panique le saisit. Fraîchement débarqué à Londres avec son arrière-grand-mère, il ne tarde pas à se rendre compte que les mêmes chiffres apparaissent au-dessus de la tête de presque tous les habitants: 1er janvier 2027. Que va-t-il se passer ce jour-là?  Et peut-il seulement faire quelque chose? Son chemin croise alors celui de Sarah, une jeune fille plus ou moins médium qui l'a vu plusieurs fois dans ses rêves et qui, comme lui, a le sentiment que quelque chose de terrible va se produire. Ensemble, ils s'efforcent d'empêcher une catastrophe dont ils ne connaissent même pas la nature.

Bon, l'effet de nouveauté est passé et Chaos n'est pas aussi intéressant que le premier volet de la trilogie. La seule petite originalité, c'est le récit alterné, laissant à tour de rôle Adam et Sarah maître de la narration. Sinon, on retombe dans le même schéma que dans Intuitions: une tragédie personnelle (Sarah a vu que Adam allait faire du mal à son bébé), une tragédie collective (une mini-apocalypse) et une histoire d'amour un peu bancale. C'est un peu décevant dans la mesure où l'auteur, construisant toute son action autour des événéments du 1er janvier 2027, expédie sa dernière partie, de toute évidence plus à l'aise dans le récit intimiste que dans le scénario catastrophe. Il lui manque également la force d'écriture nécessaire à la création d'un monde futuriste. Chaos se distingue surtout par des personnages attachants (Sarah est une protagoniste particulièrement intéressante) et une intrigue habilement menée. Ceci dit, ça reste pour le coup un roman pour ados sans vraiment de profondeur, destiné à des lectrices désireuses de connaître la suite des aventures de Jem et qui ne m'inspire pas vraiment de réflexions passionnées si ce n'est qu'il faudrait vraiment que je lise des choses plus gaies.

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